En fin de semaine, Nicolas Sarkozy partira en Inde, pour la seconde fois depuis son élection en mai 2007. Il prend son rôle de président du G20 très à coeur.
Il en va de sa survie électorale.
Sarkozy fait des efforts
Son agenda de la semaine est à nouveau principalement diplomatique. Il recevait les premiers ministre hollandais lundi puis libanais mardi. Partout, il entend convaincre de sa démarche consensuelle mais volontaire, ouverte au dialogue mais ferme sur les objectifs. Le « Sarko nouveau » s'incarne aussi à l'étranger. De surcroît, Sarkozy explique à ses concitoyens que cette présidence française sera l'occasion de réguler la spéculation sur les matières premières, et d'instaurer une nouvelle gouvernance économique mondiale.
Il faut avouer qu'en France les sondages se succèdent et se ressemblent. Le toujours très bien informé Charles Jaigu du Figaro détaillait, lundi encore, combien l'Elysée était « serein » mais concerné : « Il n'y a aucune raison immédiate de voir la popularité du président remonter dans un contexte économique toujours difficile », a confié un « fidèle du président » . Il paraît qu'il s'inquiète pour l'électorat centriste, jugé naturellement à droite mais profondément antisarkozyste. On a ainsi prié Brice Hortefeux de se faire discret, le discours sécuritaire est mis en sourdine, on n'entend plus Sarkozy, quand il se déplace en province, parler d'immigration ou de violences. Même le terme d'identité nationale, devenu si clivant à force de bévues et dérapages depuis un an, est remisé au placard. On oublierait presque de mentionner le soutien affiché de quelques députés UMP à la votation suisse de dimanche. Nos voisins helvétiques viennent d'approuver l'expulsion des étrangers délinquants. Mais en France, chut ! Le porte-parole du ministère des affaires étrangères a expliqué que cette disposition suisse devait « encore faire l'objet d'une loi pour être appliquée » et que « celle-ci devra être conforme aux obligations juridiques internationales et européennes de la Suisse ». Quel revirement ! La France donne des leçons d'accueil et de légalité européennes à la Suisse après avoir éviter une sanction européenne dans sa traque aux Roms il y a à peine deux mois !
Le « nouveau Sarkozy » doit incarner le virage social que Jean-Louis Borloo, éconduit du poste de premier ministre, ne peut.
Il est comme cela Sarkozy. Telle une girouette au vent, il peut proclamer l'urgence nationale contre la faillite de l'intégration et la délinquance surviolente un jour de juillet, puis occulter complètement ces sujets de ses propres discours de priorité à l'automne. Allez comprendre...
Mais ces derniers jours, même à l'étranger, cet agenda est bousculé : Wikileaks publie des mémos confidentiels de l'administration américaine où Sarkozy est qualifié d'autoritaire et de susceptible. Et la spéculation des marchés financiers, dont Nicolas Sarkozy affirmait encore la semaine dernière qu'elle était désormais régulée, déstabilise une nouvelle fois l'euro.
Décidément, la réalité s'obstine à contredire notre Monarque national...
Finalement, la spéculation est toujours là...
Samedi, Nicolas Sarkozy a tenu à faire savoir qu'il s'était entretenu avec tous ses collègues européens, à cause de la crise irlandaise. Et dimanche, les ministres des Finances de la zone euro et celui du Royaume Uni ont approuvé un plan d'aide à l'Irlande : cette dernière recevra 85 milliards d'euros de prêts européens ou bilatéraux. C'est l'équivalent de 53% de son PIB annuel. Vendredi, son taux moyen d'emprunt à 10 ans frisait les 9% quand l'Allemagne empruntait toujours à moins de 3%. Avec ce plan, dont 35 milliards d'euros seront dévolu à l'assainissement du secteur bancaire et 50 milliards à financer le budget de l'Etat, l'Irlande pourra emprunter à l'excellent taux de 5,2%...
Samedi soir, Sarkozy et Merkel s'étaient finalement mis d'accord sur le futur Fonds de soutien permanent de la zone euro, qui prendra le relais en 2013 du Fonds de soutien temporaire mis en place en juin dernier pour 440 milliards d'euros.La chancelière allemande a convaincu le président français de « faire participer le secteur privé ». « En cas de risque de défaut de remboursement d'un Etat, le mécanisme de « clause d'action collective » permet en effet de modifier par une décision à la majorité qualifiée des détenteurs de la dette (autour de 75%) les conditions de remboursement, qu'il s'agisse d'un rééchelonnement de la durée, d'une baisse de taux ou d'une décote sur le principal. La décision s'applique alors à tous les créanciers, banques comprises.» expliquent les Echos. Ce mécanisme a été adopté par les ministres des finances de la zone euro. Sarkozy et Lagarde ne voulaient pas, initialement, d'une contribution du secteur privé. Ils ont obtenu qu'elle sera décidée « au cas par cas. »
En France, au-delà des félicitations sur l'accord, on s'échine à convaincre que la situation française n'est pas comparable avec celle de l'Irlande. D'ailleurs, l'Irlande, pénalisée d'avoir nationalisé des banques irresponsables - ce qui lui coûte aujourd'hui un déficit budgétaire de 32% de son PIB, n'avait pas grand chose à voir avec la Grèce, déstabilisée par le niveau de ses dépenses publiques et ses faibles recettes fiscales... Dimanche, Christine Lagarde, la ministre de l'économie, a répété : «Les marchés financiers n'ont pas sanctionné la France au cours de la période qui vient de s'écouler. La France n'est pas dans la même catégorie que l'Irlande ou le Portugal. (...) Tout a été mis en place pour rassurer les marchés financiers. Nous leur avons démontré que l'Irlande était un pays sérieux, capable de réduire ses déficits, qui au départ, sont tout de même de 32%. J'espère que l'incendie est éteint ».
Mme Lagarde s'est presque montrée compréhensive par ces mouvements spéculatifs : « Les marchés financiers sont parfois irrationnels. Mais il est vrai que l'Europe est difficile à comprendre. On ne sait pas vraiment qui est le patron. Ils veulent savoir «qui décide ?, qui paie ?, et quel sort leur sera réservé si cela se passe mal ? ». Qui est le patron en Europe ? On ne sait pas. Et l'attitude franco-allemande n'arrange rien. Deux exemples sont là pour le rappeler : en France, Sarkozy mise sur le leadership franco-allemand, après avoir un temps favorisé les contre-pouvoirs britannique et de méditerranéen (en 2008). Conséquence, la présidence européenne est inexistante. Autre exemple, Sarkozy a refusé, avant de céder en juin dernier, la proposition d'Angela Merkel de sanctions, sous forme de privations de droits de vote, contre les Etats européens financièrement défaillants.
... et Wikileaks se paye aussi Sarkozy
Les nouvelles fuites du site Wikileaks, cette fois-ci confiées à cinq quotidiens internationaux dont Le Monde, contiennent quelques confirmations sur comment Nicolas Sarkozy est perçu outre-atlantique. Parmi les 251 287 télégrammes diplomatiques en provenance du Département d'Etat à Washington et de toutes les ambassades américaines dans le monde, on en trouve un où le président français est décrit comme un « empereur nu », une « personnalité susceptible et autoritaire », deux traits de caractères largement constatés en France, et qui cadrent mal avec la nouvelle attitude adoptée par Sarkozy en vue de sa campagne de réélection. On y « apprend » également que Sarkozy adopte, vis-à-vis de ses propres collaborateurs, des « manières abruptes ». On se rappelle que l'administration américaine, au printemps 2007 s'est réjouie de l'élection de Sarkozy, jugé le plus pro-américain des présidents français depuis la guerre.
Le conseiller diplomatique de Sarkozy, Jean-Daniel Lévitte, est également épinglé. Le 16 septembre 2009, il traitait l'Iran d'Etat « fasciste », une confusion verbale qui n'apporte pas grand chose. Mais sur Hugo Chavez, le président vénézuélien, ses propos sont plus troublants : « Lévitte a fait observer que le président vénézuélien Hugo Chavez est 'fou' et a dit que même le Brésil ne pouvait plus le soutenir", indique un mémo américain. « Malheureusement, Chavez prend l'un des pays les plus riches d'Amérique latine et il en fait un autre Zimbabwe. »
Du côté de l'exécutif français, on n'a pas apprécié ces révélations.