Car c'était là, jadis, que la mort t'attendait,
La Maison du refuge était l'antre du crime
Et dès le seuil franchi, nulle âme n'en sortait !"
Hier soir -ou plutôt ce matin très tôt-, France 3 diffusait un documentaire cherchant à relater la véritable histoire occultée derrière le mythe des évènements qui eurent lieu dans cette auberge de Peyrebeille, plus connu sous le nom d'Auberge Rouge.
Vous avez peut-être lu des articles sur cette célèbre affaire criminelle de la première moitié du XIXe siècle. A moins que vous n'en connaissiez la version avec Fernandel. Ou l'inutile remake récent sorti en décembre, de Gérard Krawczyk, qui transpose l'action dans les Pyrénées.
Pour moi, cette fameuse bâtisse est longtemps restée ce bâtiment perdu, toujours situé sur un chemin devenu une route nationale, synonyme de sentier des vacances. Lorsque nous passions devant, c'était l'occasion pour mes parents d'esquisser rapidement la légende du lieu - sans doute le moyen non avoué de s'assurer que ma soeur et moi nous taisions quelques minutes, retenant notre souffle jusqu'à ce que la bâtisse sombre se soit éloignée. Car, en dépit de la modernité de la route qui la longe et qui voit défiler à 100km/h l'invasion des touristes chaque été, mon esprit prompt à un imaginaire dramatique a toujours trouvé glaçant ce grand panneau que l'on ne peut manquer "Ici l'authentique auberge de Peyrebeille". Pire, lorsque nous y passions à Toussaint, sous un bas ciel gris vaguement angoissant, seule voiture sur une route entourée d'épaisses forêts de sapins, je pouvais presque m'imaginer 150 ans plus tôt et j'étais prise dans cette pesante ambiance morbide. Certes, c'est mon légendaire sens de la dramatisation théâtrale qui se fait jour. Reste que les impressions demeurent gravées dans ma mémoire. C'est devenu un lieu touristique. Vous pouvez vous offrir dans la journée une après-midi au Lac d'Issarlès puis un rapide détour sur le chemin du retour pour visiter l'auberge, accompagné d'un guide qui s'amuse à effrayer ses clients. Pour ma part, j'en envoyais des cartes postales à mes amis.
Si j'ai développé une curiosité pour ce fait divers macabre, c'est que mon père et toute sa famille sont justement originaires de ce coin oublié, égaré dans les montagnes ardéchoises, quelque part entre Lanarce et Coucouron, où ma grand-mère a conservé une de ces grandes anciennes fermes "typiques". Pour effrayer les jeunes enfants avides de frisson et aiguiser leur sens de l'aventure, les deux légendes locales contées lors des soirées d'été sont celles de l'Auberge Rouge et celle, sans doute plus connue, avec une dimension surnaturelle en plus, de la bête du Gévaudan (nous sommes dans le Vivarais, pas très loin de Langogne, -et puis ma mère est originaire du Cantal).
L'Auberge de Peyrebeille, dite "Auberge rouge"
Une histoire macabre
Replacez-vous dans ce début de XIXe siècle. Nous sommes en 1831, aux débuts de la Monarchie de Juillet. L'action se déroule en haut du col de la Chavade, sur un plateau escarpé, difficile d'accès, situé à plus de 1200 mètres d'altitude. Le climat est rigoureux. Les habitations s'y font rares. Dans ce désert démographique perdu, c'est un paysage accidenté aux forêts denses qui s'offre au voyageur. L'auberge de Peyrebeille constitue alors un des rares relais dans cette étendue inhospitalière, située sur la route qui relie la Vallée du Rhône au Massif Central.C'est la disparition d'un paysan local, vendeur de chevaux, qui va précipiter l'engrenage fatal. De retour de la foire de Saint-Cirgues, ce dénommé Enjolras, surpris par l'obscurité, se serait arrêté chez les Martin pour la nuit (ces derniers, étant à la retraite depuis peu, ne s'occupaient déjà plus de leur fameuse auberge). Le fait incontestable, en tout cas, est que son cadavre est retrouvé peu après, le 26 octobre 1831, à seulement quelques kilomètres de leur domicile. La rumeur publique désigne rapidement les coupables. Serait-ce une certaine jalousie qui s'exprime, à l'égard de ces anciens paysans, devenus des aubergistes ayant gagné relativement bien leur vie dans ces montagnes ? Toujours est-il que les témoignages s'accumulent, mettant soudain à jour, tardivement, des soupçons qui se transforment en certitudes concernant des faits commis dans cette fameuse auberge que les Martin ne gèrent pourtant plus en 1831. Si l'on en croit ce tableau caricatural d'un couple de tenanciers sanguinaires avides d'argent, pendant vingt-six années, ces derniers se seraient livrés à leurs macabres affaires. Avec le recul, lorsque l'on relit ces histoires mentionnant des murs tâchés de sang ou des cadavres transportés la nuit tombée, presque à la vue de tous, il est difficile de ne pas y voir un excès enjoliveur, qui apparaît né d'un fort ressentiment au sein de la population locale. Pour éclairer une réputation qui s'appuie sur un fond de vérité ? Une légende noire prend forme, que la Justice va venir sanctionner. Pourtant, sur les dizaines de meurtres que l'opinion leur attribue -certains iront jusqu'à évaluer à une bonne centaine le nombre de cadavres qui disparurent dans le fameux four de l'auberge-, la Cour d'Assises de l'Ardèche, devant laquelle le couple d'aubergistes et leur domestique comparaissent en 1833, ne leur impute qu'une seule mort. La seule victime dont le cadavre permet d'en établir l'existence : le maquignon retrouvé en 1831. Mais du mystérieux richissisme marchand juif dont l'ombre flotta sur les accusés, aucune preuve de son passage ne fut jamais apportée. Pas plus que pour les dizaines d'autres disparitions, victimes anonymes, supposées.
Finalement, ce n'est que grâce au témoignage, aussi unique que fragile, d'un vagabond que les accusés furent reconnus coupables du meurtre de 1831. La Cour les condamne à la peine capitale. Le 2 octobre 1833, le couple Martin et leur domestique sont exécutés dans la cour de leur auberge, le "lieu sanglant de leurs crimes", devant une foule nombreuse (la dépêche d'un journal local relatant l'exécution parle de 4.000 personnes) venue "fêter" la justice rendue.
Une mystification progressive : la "légende" perpétuée et entretenue
Aujourd'hui, vous pouvez encore trouver les masques mortuaires des trois condamnés. Vestige macabre d'un fait divers qui prit, au fil du XIXe siècle, une toute autre dimension.
Les rumeurs de l'opinion publique ont finalement permis d'entériner leur propre version des faits, occultant les conclusions plus modestes du tribunal. Cette opinion est consacrée dans un ouvrage qui diffuse ce fait divers local, brochure publiée sous le titre évocateur autant que provocateur du "Coupe-gorge de Peyrebeille". Paru en 1886, son auteur, Paul d'Albigny, un directeur de journaux locaux, se propose de faire revivre à ses lecteurs "vingt-six ans de vols et d'assassinats". C'est un récit dense et très détaillé, résolument à charge contre les aubergistes qui replonge dans ce début de XIXe siècle.
Une culpabilité aujourd'hui remise en cause : une erreur judiciaire ?
Au cours du XXe siècle, des historiens se sont replongés dans les archives de l'époque, reprenant le dossier d'accusation et les pièces de procédures. Dans les documents officiels d'époque, aucune trace des dizaines de victimes, ni d'éléments permettant d'accréditer cette légende sanglante.
Plus récemment, certains chercheurs défendent désormais la thèse selon laquelle il convient de replacer ce fait divers dans le contexte politique particulier de l'époque. C'est notamment l'opinion du dernier livre paru sur le sujet, en 2007, intitulé Le Secret de l'Auberge rouge. Gérald Messadié développe l'idée selon laquelle c'est un règlement de comptes politique qui a scellé le sort des aubergistes. Ces derniers auraient appartenu au clan des royalistes, dont l'Ardèche a longtemps compté plusieurs poches de résistance. En 1830, l'abdication de Charles X avait porté un coup dur aux partisans de l'Ancien Régime. De plus, Pierre Martin aurait été un sympathisant de quelques bandes qui commettaient des méfaits sur le plateau ardéchois. Cela expliquerait le ressentiment général à leur égard et les témoignages quelque peu "providentiels" au cours du procès.
La réalité et le mythe se sont dissociés depuis longtemps dans ce fait divers que l'on évoque toujours sur le plateau ardéchois. Comme souvent, la recherche de la vérité des évènements de Peyrebeille n'a désormais guère d'importance. On préfère l'attrait frissonnant de cette légende de l'Auberge rouge, qui continue d'être contée au coin du feu.
LES COMMENTAIRES (2)
posté le 17 janvier à 18:29
auberge de peyrebeille je et deja visiter elle et auhentique jadore aller la visiter chaque annee elle et sinistre epouventable de et horrible meutre passent touriste arreter vous pour la visiter sa vaut le detour auberge rouge bruno ales 30 gard
posté le 19 octobre à 18:45
est ce le vrai tete les masques mortuaires ou des copies de leur visage? merci de me répondre sur mon adresse merci