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Journal d'une âme : Anna (29-10-2010)

Par Manus

Journal d'une גme : Anna (29-10-2010)

Journal d'une âme : Anna (29-10-2010)

Site web: photo de ci, de là.fr

Une fois de plus, je comptais répondre aux interrogations d’Edmée et de Damien : tout était écrit… dans ma tête ; les heures qui s’écoulent ces jours-ci comme l’eau paisible d’une source me permettaient de réfléchir aux questionnements, de les approfondir, de les porter dans le cœur.

Je comptais répondre, j’étais prête.

Puis, hier soir, une discussion avec une proche.  Tout à fait par hasard, je lui demande des nouvelles d’Anna.  J’entends qu’elle ne va pas bien.  Que son cancer des os l’entraîne en ce moment à séjourner à l’hôpital.  Elle n’en a plus pour longtemps.  Son entourage prévoit l’organisation des soins palliatifs à domicile: elle sera ainsi entourée des siens, de leur sérénité et de leur paix.

Ceux qui me connaissent et me lisent ici sauront sans doute qui j’évoque…

A la grande surprise de la personne avec qui j’échangeais, je lui ai dit que je prierai pour elle – étonnement de sa part étant donné qu’elle n’ignorait point mon allergie pour l’Eglise et tout ce qui pouvait toucher de près ou de loin au christianisme, surtout au catholicisme.

Je l’avais perdue de vue, Anna.  Depuis longtemps.  Cela fait peut-être quinze ans que je ne l’ai plus croisée.  Mais d’apprendre sa détresse, les larmes me sont montés jusqu’au bord du cœur, qui, inondé, s'est déversé dans mon âme. 

Cet amour du Christ que je commence jour après jour à goûter, me permet de ressentir avec d’autant plus de force de l’amour pour mon entourage ; ainsi en va-t-il pour mon mari, mes enfants, et ceux qui gravitent autour de moi.

Ainsi en va-t-il pour Anna.

Je n’ai pas la possibilité matérielle, j’entends par là, le temps, pour être disponible dans l’inaction et la concentration maximale dans la prière pour le Seigneur ; c’est un moment que je ne peux acquérir qu’un peu le matin, le soir aussi ; mes journées sont courtes – quatre enfants, partir les chercher à l’école dès 14h30 – et les tâches ménagères nombreuses.

Alors, tout en étalant le repassage avec des gestes précis sur la planche, le fer d’une main, le tissu de l’autre, je m’adressai à Dieu.

Dès que je me mets en sa présence, je me sens devenir toute petite.  Je n’ose d’ailleurs pas lever les yeux vers Lui.  Je n’ai pas encore l’habitude de Le fréquenter ; en plus, je ne sais pas très bien prier.  Ma manière de l’aborder depuis quelques mois était une approche.  Il était venu me voir, m’avait ébranlé l’âme et le cœur, depuis, je suis entièrement tournée vers Lui, mais sans savoir comment faire, pour Lui parler.  Alors, je me contente de Le contempler.

En réalité, face à son amour, cette puissance et cette force du désir qu’Il nous voue, qui bouleverse, perce le cœur et l’âme comme s’ils étaient atteints par une épée, face à son amour, je mesure qui je suis.

Je me mesure.

Devant tant de grandeur et de miséricorde, devant tant de bonté et de générosité, devant cette pureté éblouissante, cette lumière aveuglante, je mesure qui je suis.

Il n’y a pas longtemps, j’avais discuté avec une personne que je savais très croyante.  Je lui avais dit que je n’osais pas m’approcher du Christ, que je ne savais pas comment m’y prendre.  Elle m’a répondu simplement que je ne devais pas avoir peur, qu’Il n’attendait qu’une seule chose : que l’on vienne à Lui.

Mais moi, je n’y arrive pas encore.  Les pas que j’ai su franchir vers Lui, c’est Lui qui les a suscités en venant chez moi.  C’est son désir de moi, son amour infini et en même temps douloureux pour moi (on est terriblement heureux de l’avoir rencontré, mais tout aussi triste de ne pas ou plus ou davantage être près de Lui, c’est paradoxal, je sais) qui m’a poussée à vouloir être constamment près de Lui, la joue sur son cœur, mes mains dans les siennes.

Ma seule façon de rencontrer Dieu, c’est de Le laisser venir.  Ce n’est que grâce à Lui, en étant accueil de Lui, que je puise la force d’amour dans le Sien, pour, à mon tour, lui sourire en retour.

Je ne savais pas comment j’allais présenter les choses au Christ aujourd’hui, concernant Anna.  J’étais d’ailleurs perturbée par cela, inquiète même.

Finalement, je me suis dit que je n’allais rien forcer, que j’allais agir de la seule manière dont je suis capable : le contempler avec la plus grande lucidité sur son amour et sur ce que je suis.

Mes mains repliait un pantalon fraîchement repassé, il était encore chaud, sentait bon, et je Lui disais, sans prononcer des paroles, mais je lui disais, par une attitude intérieure, que je me mettais à genoux devant lui, sans oser encore le regarder, tant il m’intimidait, et même si la chaleur de son sourire me remplissait de joie, même encore, je n’osais rien lui demander.  J’avais peur de Le déranger ; je ne me sentais surtout pas digne de demander quoi que ce soit, alors même qu’Il dit nous attendre, qu’Il insiste pour qu’on vienne à Lui, et que nous devons oser Lui demander.  Je sais tout cela, Lui ai-je dit, mais je ne sais pas encore le faire.

Tout ce dont je suis capable, c’est de déposer devant ses pieds, Anna, celle qui m’émeut tant et pour qui j’éprouve cet amour.  De la déposer devant ses pieds comme un amoureux dépose des fleurs aux pieds de sa fiancée, puis, s’enfuit, par peur d’être vu et de l’avoir dérangée.

Moi aussi, je dépose ma fleur qui est Anna.  Elle est bien malade et sa souffrance m’empêche de parler.

J’ai glissé mes genoux un peu plus vers Le Christ ; son amour si intense m’attirait, et j’ai osé lui demander de l’aimer à ma place, de porter en Lui son cancer, et comme je ne pouvais pas aller la voir car elle est trop mal en point, s’Il le voulait bien, de caresser son corps meurtri de ses mains, d’adoucir sa souffrance en lui transmettant toute Sa miséricorde.

Je lui ai confié Anna, allongée aux pieds du Christ ; et si moi je ne sais comment Lui demander de s’occuper d’elle, si je ne sais aimer Anna suffisamment, je sais que Lui, le Christ, posera son regard sur elle, et l’aimera.

Savina


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