il pourrait être utile, en un temps où se multiplient les théories divergentes en cosmophysique, de nous tourner vers les plus anciens philosophes pour savoir s’ils n’avaient pas avant nous envisager quelques éléments de réponse qui pourraient s’avérer forts utiles à la science la plus moderne.
La première difficulté que l’on rencontre à propos du big bang, c’est ce surgissement de la matière à partir de rien, création ex nihilo difficile pour beaucoup à accepter. Que nous dit Parménide ? L’argument ontologique traditionnel de celui-ci est :
"il est nécessaire de dire et de penser que l'être est, le non-être en revanche n'est pas. Tu ne saurais reconnaître ni énoncer le non être.
Il est en effet impossible que ceci soit prouvé de façon contraignante: que le non être est". Le non être, le néant, est une simple catégorie formelle qui ne peut recevoir aucun contenu de réalité. Il est donc totalement illogique que du néant puisse s'extraire le moindre atome de matière. Ainsi, l’argument parménidien semble renforcer les tenants d’une hypothèse selon laquelle la matière doit bien s’extraire d’un « autre chose » qu’elle-même, d’un lieu quelconque où elle serait en quelque sorte en réserve.
Pour avancer dans notre recherche, nous devons cette fois recourir à la notion de premier moteur d’Aristote. Pour celui-ci il n'y a pas eu création de l'Univers à partir de rien (ex nihilo) ; L'Univers existe depuis toujours et existera toujours, nécessairement régi par la Cause Suprême qu'est le Premier Moteur Immobile.
« Tout ce qui est mu doit nécessairement être mu par quelque chose. Car si le mobile n'a pas en lui-même le principe de son mouvement, il est évident qu'il doit le recevoir d'un autre, et que c'est cet autre qui est le vrai moteur. Il est donc nécessaire qu'il y ait quelque point d'arrêt, et que nécessairement il y ait aussi un premier moteur immobile. »
Ainsi, pour Aristote, lorsqu’on remonte la succession des causes du mouvement nous aboutissons à un premier moteur curieusement immobile, car il ne saurait être lui-même mu par autre chose puisque nous aboutissons à une causalité infinie. Ce premier moteur est l’Etre parfait et éternel, à l’origine de tous les mouvements et les existants. Mais un Etre parfait et éternel, s’il peut avoir un sens en religion, ne saurait contenter un scientifique attaché à la matérialité des phénomènes, aux causes et effets d’objets physiques réels.
L'argument d’Aristote est à mettre en parallèle avec la notion de substance infinie de Spinoza. En effet pour celui-ci il faut que l'origine première soit un être qui n'a besoin d'aucun fondement. La substance est ce qui ne suppose rien comme cause de son être, c'est la cause qui se fonde elle-même, qui est sa propre cause (causa sui). Le concept de substance ne peut admettre le concept d'autre chose hors de soi.
Si nous rassemblions les conceptions cosmologiques de ces trois philosophes, nous sommes surpris de constater qu’ils dialoguent et se répondent à travers les âge et qu’ils auraient pu conclure en une commune thèse. En effet si la création à partir de rien est impossible et s’il doit se trouver un premier moteur immobile origine de tout mouvement, alors il doit exister une substance infinie qui est cause de soit et à l’origine de tout
Mais la science concrète et expérimentale ne saurait se satisfaire de substances abstraites, de moteur immobile ou d’Etre éternel à l’origine du tout. Aussi, cette substance doit être conçue comme objet physique en effet immobile mais ayant cependant une réalité perceptible par son action et ses réactions, susceptible consécutivement de se situer dans un espace et à partir de laquelle on puisse en extraire de la matière puisque aussi bien, rien ne saurait surgir de rien. Si nos philosophes anciens ont parfaitement circonscrit la problématique de l’origine et de la genèse de la matière, il appartiendrait aux scientifiques d’aujourd’hui de traduire dans le réel concret leurs abstractions prémonitoires.