Administrateur délégué de l’Institut de recherche économique et fiscale (Iref), Jean-Philippe Delsol défend, comme substitut à l’ISF, l’idée d’un alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail.
Sous les coups de boutoir répétés, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est désormais ébranlé. Mieux, il apparaît presque promis à une mort certaine selon les mots du président de la République dans son allocution du 16 novembre. Mais à cet impôt pourraient succéder d’autres impositions pires encore si nous n’y prenions garde. Il faut en effet lui trouver des substituts, a évoqué le chef de l’État, en taxant les revenus du patrimoine plutôt que le patrimoine lui-même, en suggérant «d’aligner, a-t-il dit, la fiscalité du capital sur celle du travail».
La réforme, annoncée pour juin prochain, est non seulement courageuse mais elle est intelligente tant l’ISF apparaît tout à la fois nuisible à l’économie, d’un faible rapport – de l’ordre de 3 milliards par an sans tenir compte des frais de recouvrement et après déduction du bouclier - et injuste.
Oui, il paraît équitable et normal de soumettre tous les revenus au même taux d’imposition. C’est même pour cela que l’Iref milite pour l’institution d’un impôt à taux unique, la flat tax, qui existe avec succès dans une trentaine de pays développés, notamment en Europe. Mais le problème est qu’en France, la plupart des revenus du patrimoine sont aujourd’hui imposés à un niveau supérieur à celui des revenus du travail, et non l’inverse. Il en va ainsi en particulier des revenus fonciers qui supportent déjà un impôt sur le revenu identique à celui qui pèse sur les revenus du travail, sauf qu’en sus, les revenus fonciers sont déterminés après paiement de taxes foncières qui représentent en moyenne 6,25 % d’imposition supplémentaire.
Concernant les produits des valeurs mobilières et notamment des actions, les dividendes ne sont taxés que sur 60 % de leur montant pour tenir compte du fait qu’il s’agit de taxer des bénéfices déjà imposés en amont, à l’échelle de la société distributrice. Au total, un bénéfice est imposé entre les mains de la société et de l’actionnaire auquel il est distribué, dans la tranche supérieure de l’impôt progressif sur le revenu, à un montant actuel de près de 58 %, CSG/RDS comprises, alors qu’un revenu du travail est imposé, à comparaisons égales, au taux de l’ordre de 50 %.
Au surplus, les biens immobiliers et les capitaux mobiliers sont assujettis à chaque génération à des droits de succession ou donation, jusqu’à 40 %, et toute cession est soumise à des droits d’enregistrement calculés pour les biens immobiliers au taux de 5,09 %.
Certes, les plus-values immobilières sont exonérées sur l’habitation principale, et après quinze ans sur les autres immeubles. Mais si ces plus-values devaient être soumises à l’impôt sur le revenu au taux progressif pour être alignées sur les autres revenus, il faudrait appliquer deux mesures. D’une part, rehausser le prix de revient des biens concernés en fonction de l’indice des prix. D’autre part, réduire les taux d’impôt appliqués aux revenus fonciers et aux dividendes pour tenir compte des surcoûts fiscaux susvisés que supportent aujourd’hui les revenus du patrimoine.
Dans tous les cas, il semble souhaitable de préserver la résidence principale de toute imposition sur les plus-values pour favoriser la mobilité des personnes et la flexibilité des emplois qui l’accompagne.
Pour les propriétés et autres actifs sans revenus (les résidences secondaires par exemple), une imposition sur un revenu forfaitaire théorique, comme aux Pays-Bas, permettrait que le patrimoine soit taxé dans tous les cas.
Oui, une taxation uniforme de tous les revenus peut être considérée comme souhaitable, mais la fiscalité des revenus du patrimoine doit alors être harmonisée à la hausse comme, s’il le faut, à la baisse. À défaut, les investisseurs seront pénalisés, comme ils le sont déjà aujourd’hui avec l’ISF, et cette réforme sera une réforme pour rien. Ce qui serait dommage.
Source : LeFigaro.Fr
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