La même salle propose d’autres photographies célestes sur lesquelles se picotent les traits des cartes météorologiques des vents, tous ces signes semi-cabalistiques que nous tentons de déchiffrer en avant-dernière page de notre quotidien, et aussi des dessins de fronts nuageux, de vents, de courbes de pression, ici dépouillés et réduits à un alphabet de hiéroglyphes. C’est tout un monde de signes, d’analyses et de prévisions que Jacqueline Salmon tente ainsi de se réapproprier : si les photographies sont superbes, les simples cartes graphiques semblent un peu laborieuses, un peu trop formelles et étiques.
La salle suivante montre son travail avec des immigrés rencontrés à Evreux lors de sa résidence : une rangée de portraits photographiques de ces immigrés est jalonnée de reproductions en noir et blanc de portraits par Piero della Francesca, à la recherche de soupçons de ressemblance. Plus intéressantes sont les petites cartes griffonnées au crayon, par lesquelles ces immigrés racontent leur trajet, leur venue en France, leur vie : ce ne sont que d’humbles gribouillages, mais c’est leur vision du monde, leur manière de l’appréhender, de l’apprivoiser. Elles pourraient figurer dans le petit recueil de Kris Harzinski, fondateur de la Hand Drawn Map Association.
La troisième salle parle des cartes comme témoins et vecteurs de pouvoir : carte des flux financiers ou migratoires, carte des pays fabriquant ou utilisant des bombes à fragmentation, etc. Ce sont des cartes muettes, de simples signes graphiques, et il faut deviner la carte du monde qui les sous-tend pour distinguer ici la France, la Chine ou Israël. De grandes formes colorées au mur, aux contours étranges, témoignent du gerrymandering à la française : reconfiguration de circonscription électorale pour maximiser les chances d’un élu, aux dépens de toute logique géographique. Chaque fois, de petites légendes au crayon exigent de se pencher et de lire pour comprendre. Cartes de vidéosurveillance aussi, tous les endroits qu’on peut voir et tous les endroits d’où on est vu; on pense à Francis Alÿs, entre autres.
À l’étage de la Maison des Arts, les belles photographies de Guillaume Vallvé montrent des paysages de l’Eure vides, déserts, infinis, sous un ciel immense et blanc.