La vie peut être plein de choses. Elle peut être remplie d’aventures, de voyages autour du monde, de changements de dernière minute et d’explorations risquées. Elle peut aussi être douce, calme, tranquille, simple mais pleine d’imagination. Cette vie-là, c’est celle que mènent les quatre filles de la résidence Hidamari, Yuno, Sae, Hiro et Miyako. Elèves de la Yamabuki Arts High School, elles habitent toutes les quatre dans ce petit immeuble et sont souvent fourrées ensemble. Hidamari Sketch raconte ce quotidien, chez elles, à l’école, et parfois ailleurs lors de leurs sorties. Jusque-là, rien de bien original : mais une fois animée, cette histoire adaptée d’un manga de Ume Aoki prend toute sa saveur, celle que l’on déguste pendant 25 minutes qui rendent tout simplement heureux.
Lancée le 11 janvier 2007, la première série Hidamari Sketch est réalisée par le studio Shaft, un studio fréquemment rattaché au nom d’Akiyuki Shinbo, réalisateur atypique qui a transformé ses tics en formule. A vrai dire, il s’est peu à peu approprié le studio, réalisant tout en même temps (le prochain : Puella Magi Madoka Magica, d’ailleurs illustré par Aoki). Même si Hidamari premier du nom n’est pas signée Shinbo (Ryouki Kamitsubo), son ombre plane toujours en tant que chef réa, et la réalisation reste remarquable, dans le sens originale : chacun des personnages est identifié par un signe, comme Yuno représentée par la croix dans ses cheveux. Ces signes apparaissent parfois flottant dans l’air ou sur tout l’écran. Dans le même ordre d’idée, des gestes comme la marche sont montrés de manière elliptique, par des petits points, et des éléments physiques sont soulignés par le visuel, comme cette Yuno fiévreuse entourée d’un voile rouge dans son lit bleu.
Les décors sont également très particuliers, minimalistes et géométriques, ce qui achève de donner à la série cette touche visuelle si spéciale. En plus d’attirer l’oeil, ces idées correspondent bien à l’univers artistique de nos héroïnes, qui travaillent tous les jours sur des dessins et croquis divers. De vraies images fixes apparaissent également quelquefois. Certains signes récurrents insistent aussi sur la quotidienneté des habitudes, propre à la tranche de vie, comme les plaques des boîtes aux lettres et des appartements. Tous ces éléments permettent à Hidamari Sketch de sortir du lot, mais aussi de donner du rythme : en effet, les signes et actions sont souvent accompagnés de sons, marquant l’étonnement, le déplacement, la fatigue… Tous les sens sont mobilisés, et on ne s’ennuie jamais devant un épisode car le déroulement des évènements n’est pas soporifique.
Et pourtant, les conversations des quatre copines paraissent parfois complètement dérisoires. Construire un épisode d’Hidamari Sketch, c’est simple : baladez-vous chez vous, et imaginez une histoire avec chaque objet, chaque pièce, chaque mur, ajoutez-y des souvenirs d’enfance, des jeux de mot et une part de rêverie, et c’est prêt. Au lieu de donner à ses personnages un destin incroyable qui les dépasse, Hidamari Sketch montre une sorte d’hyper-sensibilité aux objets communs, comme un réveil, une feuille blanche, une piscine gonflable, ces choses que l’on néglige parfois alors qu’elles sont la source de tant de petits bonheurs. Et comme dans la vraie vie, les conversations vont d’un sujet à l’autre, au rythme des associations d’idées et des choses qui se présentent. De mon côté, mes passages favoris sont les plus rêveurs comme cet épisode où Miyako est prise dans la légende du renard, ou l’épisode de la fièvre que j’ai vraiment beaucoup aimé.
Le sentiment créé par ce cocktail est celui d’une douceur et d’une chaleur infinies, qui nous ramènent aux choses essentielles, un lit chaud, un bon thé, et regarder la pluie tomber dehors avec ses ami(e)s. Quand Yuno se réveille le matin, c’est une véritable décharge de moe qui nous arrive à la figure, mais pas du genre qui fait appel à nos bas instincts, plutôt à l’amour universel pour notre couette et notre bol de chocolat chaud. Hidamari Sketch rafraîchit (ou réchauffe, c’est selon), parce qu’on n’y croise pas les soucis de la vie, les gens désagréables, la paperasse interminable, la misère du monde. A la place, des petites choses vues sous un angle positif, parfois naïf, qui change du côté blasé que l’on a tous quelquefois. Certes, Yuno et Sae sont excessivement mignonnes (surtout Sae), mais le moe, c’est comme le chasseur : il y a le bon et le mauvais. Ici, le moe est une sensibilité, qui décuple l’attachement et le charme de l’ensemble.
La musique, quand à elle, est plutôt discrète, quelques notes par-ci, quelques notes par-là, qui relèvent l’action juste ce qu’il faut et donnent un côté sketch, en référence au matériau original qui est un 4koma, une histoire en quatre cases. Par contre, le générique de début est très dynamique, une constante dans les séries Hidamari. Ce générique est interprété par les doubleuses des quatre héroïnes, comme pour les deux autres, que je dois forcément vous mettre en bonus tellement ils respirent le bonheur. Pour le générique de fin, l’ambiance est autre : plus posée et mélancolique, une opposition souvent constatée. A la fin de chaque épisode, cette chanson laisse une sorte de vague-a-l’âme, quelque chose comme « le jeu est fini, reprenons le cours de la vie ». La chanson, Mebae Drive, est interprété par Marble, comme les deux autres endings. (rien à faire, Yuno seule avec son bouquet me rend infiniment mélancolique)
Une dernière question se pose avec ce format tranche de vie : les personnages évoluent-ils ? Que sait-on de leurs rêves et de leurs espoirs ? Et bien, pas plus de choses que ça mais on découvre quand même certains détails de leur personnalité. Comme lorsque Yuno s’interroge sur son rêve pour le futur, où qu’on découvre les activités d’écrivaine de Sae. Le reste du temps, Yuno reste Yuno, gentille et attentionnée, Miyako reste Miyako, gloutonne et expansive, Hiro reste Hiro, élégante et angoissée (par son poids), et Sae reste Sae, sympathique et timide. J’espère que les deux autres séries creuseront un peu plus les héroïnes, même si je n’attends forcément pas qu’on fore loin dans leur psyché. Telle qu’elle est, Hidamari Sketch est très agréable, autant dans sa réalisation moderne et rythmée que dans son ambiance douce et apaisante, ce qui n’est pas un oxymore mais permet au contraire de maintenir l’attention durant les 25 minutes.
Notons que deux épisodes spéciaux ont été diffusés en octobre 2007, tout aussi bons et réjouissants que la série. Hidamari Sketch, c’est bon, mangez-en : maintenant, je vais découvrir la seconde saison, Hidamari Sketch x365. Je serai aux appartements Hidamari : n’oubliez pas de passer faire un tour !
hidamari sketch
Ryouki Kamitsubo (Shaft, 2007). Structure scénaristique : Nahoko Hasegawa. Character Design : Yoshiaki Ito. Musique : Tomoki Kikuya.
Kana Asumi : Yuno. Kaori Mizuhashi : Miyako. Ryoko Shintani : Sae. Yuko Goto : Hiro.
Et à part ça ? La version remasterisée de Pretty Hate Machine, premier album du groupe de metal industriel américain Nine Inch Nails, est disponible. Si vous voulez revisiter cet album culte avec le son de 2010, n’hésitez pas à l’écouter. Et n’oubliez pas de plonger aussi dans la BO de The Social Network, comme je le disais en-dessous.