La notion de Cloud Computing est omniprésente et pourtant continue à échauffer les esprits. Certains acteurs du monde informatique, tels que Larry Ellison (PDG d’Oracle) et Richard Stallman (le papa de GNU), n’en disent que du mal. La montée en puissance de géants comme Google ou Facebook soulève de plus en plus de discours analogues et amène à se poser cette question : faut-il avoir peur du cloud computing?
En effet, les détracteurs du Cloud lui trouvent bien des défauts. Richard Stallman cité en introduction tient un discours très raide à son sujet :
" Le cloud computing est tout simplement un piège forçant plus de monde à verser dans la sécurité, à acheter des systèmes propriétaires qui leur coûteront de plus en plus cher au fil du temps. [...] L’une des raisons pour lesquelles vous ne devriez pas utiliser des applications Web pour votre travail informatique est la perte de contrôle. C’est tout aussi mauvais que d’utiliser un programme propriétaire. Pour votre informatique personnelle sur votre ordinateur, choisissez un programme qui respecte la liberté. Si vous utilisez un programme propriétaire ou le serveur Web de quelqu’un d’autre, vous êtes sans défense. Vous vous en remettez à quiconque a développé ce logiciel. "
Source Generation NT
L’avis de Mr Stalmman est-il exagéré? Doit-on craindre le cloud ou y voir l’avenir? Pour répondre à ces questions revenons d’abord quelques instants sur ce qu’est le Cloud Computing.
Qu’est ce que le Cloud Computing?
(source image : abricocotier)
1. Concept
Pour résumer le cloud (nuage en anglais) est un concept informatique qui consiste à déporter ses services (et par extensions ses données) sur des serveurs distants accessibles via Internet. On dissocie en général 3 types de cloud : le IaaS, le PaaS, le SaaS, chacun impliquent un type de déport des services plus important que le précédent. L’architecture SaaS “type” est celle de Google Apps. En effet, les services Google sont entièrement déportés sur des serveurs distants, appartenant à la firme, et vos données avec.
2. Le développement du Cloud
Si de prime abord, l’idée de Cloud semble nouvelle, elle est presqu’aussi vieille qu’Internet. Par exemple, le webmail, qui est un des plus vieux services de l’Internet grand-public, est un service d’accès à sa messagerie numérique, laquelle est stockée sur un serveur tiers appartenant à votre fournisseur de service. Il s’agit donc d’un service de Cloud Computing.
(source image : w3qc)
C’est l’avènement du web 2.0 qui a réellement révolutionné le Cloud : depuis quelques années se sont développés des services via Internet, qui sont des services de Cloud Computing, et que vous utilisez quotidiennement. Parmi ceux-ci, on retrouve notamment :
- les services de Webmail, comme expliqué plus haut.
- les suites de bureautique en ligne, la plus connue étant Google Documents. Vos services (logiciels de traitement de texte et tableurs) sont proposés en lignes et vos données (les fichiers créés) sont stockées sur les serveurs du fournisseur de service.
- les sites communautaires, lesquels stockent nombre de vos informations, photos et vidéos personnelles. Le plus connu est le devenu incontournable Facebook, mais on peut aussi penser à son équivalent français Copains d‘avant.
- les services de stockage de données à distance, tel que le proposent dropbox ou Ubuntu One.
- les sites proposant un bureau en ligne, comme EyeOS. Un bureau, tel que le propose un système d’exploitation classique, avec applications et données, est à votre disposition sur un serveur distant.
- les sites de vidéos en ligne comme dailymotion ou youtube ou de location de vidéo à la demande (ou VOD).
- etc.
Vous l’avez donc compris, tous ces services issus du boom de l’Internet des années 2000 sont des services de Cloud Computing. Actuellement, la part d’usage du Cloud se résume à 56% de mail, 34% de photos, 29% de services applicatifs, 10% de stockage de données et 7% de vidéos.
Voici, pour résumer ce qu’est le cloud et comment il s’est développé, une vidéo très claire (même si elle est en anglais) :
(Source schéma et vidéo : blog du modérateur)
L’avantage évident d’une solution de Cloud est qu’elle permet de s’affranchir du média et du risque de perte ou de destruction accidentel de ses données. De plus, il permet un accès à ses données depuis n’importe quel endroit, à condition de bénéficier d’un accès Internet. Enfin, le terminal d’accès (votre ordinateur) n’a pas nécessairement besoin d’être très puissant, les services et données étant déportés.
Jusque là assez limité au grand public, le Cloud, mené principalement par Google et Microsoft (lequel parle maintenant de serveurs Exchange déportés) dans ce cas, vise de plus en plus le monde de l’entreprise. Il offre à cet effet plus d’un avantage puisqu’il débarrasse les entreprises de la charge de l’infrastructure qui est souvent difficile et coûteuse à gérer, tout en proposant le savoir-faire des équipes techniques des firmes. Les entreprises peuvent aussi décider d’être leur propre opérateur de services et de mettre en place des solutions web, auto-hébergée et disponible par n’importe quel agent et depuis n’importe où.
3. Cloud et convergence numérique
Outre ses évolutions macroscopiques, une autre est née de la notion de convergence numérique. L’augmentation du nombre et de la puissance des terminaux mobiles, l’amélioration des bandes passantes mobiles et la mode des Smartphones a donné une nouvelle dimension au cloud. Maintenant, vos informations transitent et sont architecturées autour du cloud.
(Source image : le monde numérique)
Pour illustrer ce fait, prenons le cas de Android. Si le téléphone maintient son rôle primaire (téléphone. Si si!), il est avant tout connecté à Internet et permet un échange instantané de ses données sur Internet via les réseaux 3G. Le téléphone contient à peine les données, celles-ci étant avant tout transférées sur Internet. En gros, le téléphone est devenu une passerelle d’accès à Internet, d’échange de ses données, photos, vidéos via Internet. Le même modèle est en train de se développer avec les tablettes tactiles sous Android ou iOS, les netbooks sous Jolicloud et bientôt Chrome OS. Ces produits ne sont pas fait pour traiter et stoker leurs données mais pour les faire transiter à travers Internet.
Finalement, les différents terminaux ne sont plus les moteurs des services mais uniquement les passerelles entre ceux-ci et la toile (“le cloud”). Il en est de même pour les téléviseurs équipés d’un firmware web, les google-TV, les décodeurs ADSL, etc.
Le cloud, dangereux?
Jusque là, le cloud ne semble avoir que des avantages : moins de coût d’infrastructure pour les entreprises, accès aux données et services de partout, moins de risques de panne, etc. Pourtant tout n’est pas toujours rose dans le monde du cloud computing et réfléchir à ses enjeux met aussi en évidence ses dangers.
1. La rupture de service ou la perte
Dépendre d’un fournisseur de service, c’est risquer de perdre un accès à ses services et données lorsque celui-ci n’existe plus ou rencontre une panne. Qui plus est, si le service en lui même est le fait d’un acteur susceptible de rencontrer un problème, il en est autant pour le fournisseur d’accès. Dépendre de l’Internet pour accéder à ses données et services c’est risquer d’en être coupé quand son accès internet fait défaut.
En soit, la coupure internet reste le premier risque de perte d’accès au cloud. De plus, les vicissitudes de la bourse font que même un groupe comme Google peut s’écrouler aussi vite qu’il s’est construit. Enfin, à tout moment le fournisseur de service peut décider de mettre fin à son offre, comme l’atteste la fermeture de Google Wave. Après tout, les offres de cloud ne sont pour ainsi dire jamais assorties d’un contrat garantissant la pérennité de l’offre.
2. La perte de contrôle et l’enfermement
Dépendre du Cloud computing nous fait perdre tout rôle actif dans la gestion de son service. C’est le fournisseur qui détermine le comment et le pourquoi. Si on désire continuer de bénéficier de son service, on se plie à ses règles. L’exemple facebook l’illustre bien avec le changement régulier des conditions générales d’utilisation sans sollicitations de l’utilisateur et uniquement pour satisfaire les velléités juridiques de la firme.
Finalement, faire le choix du Cloud, c’est accepter de se plier aux règles de son fournisseur. Je ne dis pas que c’est horrible, je dis juste que c’est accepter de ne plus avoir le contrôle. On ne gère pas les processus, la sécurité de ses données, etc.
3. Le défi de la vie privée
“Quand un service est gratuit, c’est que vous êtes le produit”
La notion de vie privée est particulièrement problématique avec le Cloud. Les géants comme Google ou Facebook utilisent votre navigation, vos choix, vos goûts pour cibler la publicité qui vous est propre. Ainsi, on peut dire que tout ce qui est proposé gratuitement dans le cloud se paie toujours d’une façon ou d’une autre. Et c’est majoritairement votre vie privée qui en est le prix.
De même, les diverses politiques de sécurité et closes d’utilisations permettent souvent à des personnes d’accéder à vos informations via les réseaux sociaux sans que vous le vouliez pour autant. Les derniers scandales frappants Google et surtout Facebook l’illustrent parfaitement.
4. La sécurité des infrastructures
Ce point, intimement lié aux 3 précédents, est tout particulièrement important pour les entreprises. Une entreprise qui décide de confier à un partenaire on the cloud la gestion de ses données et services ne maitrise pas les coupures, dépend du prestataire et peut toujours craindre pour le respect de son contenu hébergé. De plus, les serveurs de cloud sont nécessairement plus exposés que le serveur d’une PME. En soit, certaines données sont alors plus vulnérables si elles se trouvent sur la même banque de serveur que des données stratégiques (imaginez par exemple si vous étiez hébergés sur les mêmes serveurs qu’Areva).
Maintenant que l’on commence à mieux cerner ce qu’est le Cloud et ce que sont ses enjeux, doit-on encore le craindre? Je pense sincèrement qu’une fois que l’on connait les risques d’une solution, on diminue les raisons de la craindre. Le cloud est en train de se démocratiser, qu’on le veuille ou non. Il devient une institution incontournable comme l’a été a une époque la banque. La banque, la bourse et le système bancaire actuels font partie à part entière de notre société, avec les risques que cela comporte. La crise récente des subprimes illustre que ce système est tout aussi dangereux que pourrait l’être le système du cloud computing. Plutôt que craindre le cloud qui devient incontournable, il semble donc plus raisonnable de réfléchir à comment ne pas finir par le subir.
Kit de survie en Cloud Computing
Il serait prétentieux de ma part de prétendre que je vous sert sur un plateau la solution pour dompter ce “nuage sauvage” mais je pense que ces quelques conseils ne peuvent que servir :
1. Choisissez vos acteurs
Même si le monde numérique, et plus particulièrement Internet, nous ont habitué à la politique du “il faut faire vite sous peine d’être dépassé”, prenons le temps de réfléchir. Attendons que la viabilité d’un fournisseur de services soit avérée avant de le choisir. Que risque-t-on si ce n’est le choisir en retard par rapport à ses amis? Notre amour propre vaut-il vraiment plus que la sécurité de nos données?
Après, il va de soi que le degré de criticité aura une incidence sur notre choix. Finalement, comme pour tout choix stratégique, assurez vous de ne pas confier la sécurité de vos données et services critiques à un acteur non viable.
2. Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier
Petit, mon père m’a donné un conseil lorsque j’ai eu l’illustre privilège de recevoir mon premier jeux de clefs de la maison : “Ne mets pas toutes tes clés sur le même porte-clefs en cas de perte” (comme tout ado qui se respecte, je n’ai pas suivi ce conseil et quelques temps plus tard, j’ai perdu mes clefs avec sur le même anneau la clé de mon cadenas de vélo, les clefs de mon garage, les clefs de ma maison). Le conseil est vrai, plus encore, pour vos services de Cloud.
Il va de soi que les géants de l’informatique Facebook, Google, Microsoft, etc. vont tenter de s’approprier le Cloud et de concentrer en leur sein tous vos services et données. Microsoft vient d’ailleurs de commencer sa campagne de séduction pour “Le Cloud” (vous avez sans doute eu l’occasion de voir ce déplorable spot TV où une mère de famille dispose d’une soft magique de retouche photo particulièrement bidon mais idéal pour rassurer la ménagère quant aux enjeux du Cloud). Facebook, lui, décide de devenir un acteur de messagerie mail. Vous pourrez sous peut concentrer tous vos services de Cloud chez un même fournisseur. Ne cédez pas à cette tentation! Ne placez pas toutes vos billes chez le même fournisseur. Ainsi en cas de problème, panne, rupture ou autre avec un fournisseur, l’impact sera réduit. Même si la chose est moins simple à gérer, elle l’est nettement plus qu’accuser la perte de toutes vos photos, mails, documents, logiciels, etc. en même temps!
3. Faites preuve de bon sens
Je l’expliquais avec mon article sur Facebook, le problème majeur de ce genre de solution reste l’usage qu’on en fait. On sait que placer ses données sur Facebook, c’est les placer devant le regard du monde. Pour moi, ceux qui déplorent un effet de bord de Facebook (licenciement, raillerie, etc.) l’ont très souvent largement cherché!
Ré-flé-chis-sez! Si vous décidez pour une raison quelle qu’elle soit d’opter pour un service, considérez ce qu’il implique. Lisez à tête reposée les conditions d’utilisation et les termes légaux. Une fois sûrs de ce que vous pouvez ou non faire sans danger, commencez à utiliser le service désiré. C’est le bon sens même.
4. Soyez votre propre cloud
L’intérêt du Cloud n’est pas que vos données soient sur Internet mais accessible depuis Internet. Face aux enjeux du Cloud computing et son enfermement de plus en plus de personnes décident d’opter pour la solution de l’auto-hébergement. Vos données restent accessible depuis Internet mais stockées chez vous. Bien sûr, cela implique d’en avoir la place, le temps, les compétences et les ressources.
Je citerai par exemple les solutions de stockage de données OwnCloud, de réseau social Diaspora ou de mail roundcube. Avantages de la solution : vous gardez le contrôle et vos données sont accessibles depuis Internet. Inconvénient de la solution : les contraintes techniques. Bref, une solution viable mais à réserver aux plus courageux d’entre nous!
Pour l’illustrer, j’aime bien cette caricature de geektionnerd :
Alors, faut-il avoir peur du Cloud? Comme tentait de l’expliquer cet article, l’utilisation du Cloud n’est pas sans risques (enfermement, sécurité, rupture, etc.). Mais ces risques restent maitrisables. Je vous rappelle les 4 conseils pour y arriver :
1. Choisissez vos acteurs
2. Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier
3. Faites preuve de bon sens
4. Soyez votre propre cloud
Maintenant que vous êtes rigoureusement web 2.0 et conscient du risque mineur que ça aura, re-twittez donc cet article