Harry Potter's decade: mischief managed

Par Ashtraygirl

Dix ans déjà. Dix ans que la folie potterienne s'est emparée de la planète et a enflammé des cohortes de fans pour l'éternité. Dix ans que l'on tremble d'un plaisir tantôt coupable, tantôt bien légitime, devant les adaptations mitigées d'une saga cinématographique qui peine à masquer ses désirs d'affranchissement par rapport à une épopée littéraire dont la pression est considérable. Dix ans que l'on suit l'évolution de ces personnages devenus autant de figures familières, segments d'un univers que chacun, à sa façon, cherche à s'approprier.

En dix ans, j'en ai connu des émotions en compagnie de Potter & cie. A plus d'un titre, la saga, tant littéraire que filmique, recouvre une signification particulière à mes yeux, étayant tout un pan de mon histoire personnelle, de mes années lycée. J'ai grandi en même temps que les apprentis sorciers de Poudlard (à quelques années près), j'ai connu les impatiences insoutenables propres à la sortie de livres dont le suspens reste savamment entretenu par une auteure à l'esprit foisonnant. J'ai découvert, des étoiles plein les yeux, les premières images de Harry Potter à l'école des sorciers, quelques mois seulement après avoir mis le nez dans l'un de ces volumes à la couverture envoûtante, aux pages imprégnées de Bièraubeurre et de sortilèges a priori innoffensifs. Je pourrais vous lister mille détails qui se sont vus transfigurés dans mon quotidien avec l'avènement du petit sorcier. Mais la liste serait longue et fastidieuse, sans doute, à tous ceux qui restent un peu en marge de ce phénomène jugé parfois trop conséquent, ou non justifié. Pour l'heure, qui marque celle du dépôt de bilan de tant d'aventures ensorcelantes, je préfère revenir sur cette brochette de films qui, si leur facture reste discutable, sont d'ores et déjà entrés dans l'histoire, à jamais.

 

Harry Potter à L'Ecole des Sorciers / Harry Potter et La Chambre des Secrets

Les années Columbus. Ou ce qu'on a fait de mieux jusqu'ici en matière de copié-collé par rapport au support original (le livre). Le choix est plus que bien sentit quand on se base sur le curriculum de ce bon vieux Chris. D'autant que les deux premiers opus de J.K. Rowling, même si elle y dissimule ça et là quelques indices un rien plus adultes qu'il n'y paraît, font plutôt dans le conte bon enfant. Et avec Columbus, clairement, on est dans la plaque: une fidélité quasi maladive aux livres, pas d'incartade artistique ni de tentative saugrenue d'y apporter sa "griffe", pas de scène rajoutée ne se référant à rien d'autre qu'à sa propre imagination, et un "plantage de décor" exemplaire. Clairement, on en a plein les mirettes, avec du Poudlard par-ci et par-là en veux-tu en voilà. Chaque plan déborde littéralement de détails échappés du livre, d'éléments dont le spectateur inattentif n'aura même pas conscience avec, toujours, dans l'air, ce parfum de sorcellerie acidulé aux couleurs de l'enfance. Le tout est frais, innocent, pétillant, avec une légère incursion dans ce que l'on peut qualifier malgré tout de thriller avec le second opus, un rien plus sombre que le premier volet. Bref, Columbus, le bon élève de la promo, assurément, et le chouchou des puristes.

Mon ressenti: Chris a beau avoir les meilleures intentions du monde, et se donner un mal de chien à façonner une identité visuelle au monstre littéraire, il a ennuyé la spectatrice que je suis. Parce que, passé le premier effet "kiss cool", à savoir l'émerveillement naïf et violent de voir prendre corps un univers jusque là fantasmé, ne demeure que... ce que j'en avais déjà lu. Car, contrairement à nombre de fans, je ne vais pas au cinéma pour voir la transposition plan par plan de ce que j'ai lu mot pour mot. Je ne vois pas vraiment l'intérêt artistique d'une telle démarche, même si je peux comprendre la frustration de certains quant à l'omission de détails, à l'écran, qui les avaient profondément marqué au cours de leur lecture. Pour ma part, il manque à ces deux opus un peu de rythme, un je ne sais quoi de moins sage qui aurait permis à ces deux "introductions" de la saga d'accrocher les wagons... Vous me suivez?

Harry Potter et Le Prisonnier d'Azkaban

L'apothéose d'un autre monde, par Alfonso Cuaron. Ou comment, enfin, on arrive à une vraie identité visuelle, pensée avec autre chose que les descriptifs de Rowling. ici, la libre interprétation de Cuaron, guidé par une sensibilité bien à lui, sublime l'univers jusqu'ici trop conforme des sorciers, et y apporte cette touche de folie qui lui faisait défaut. Tout est repensé, du rythme du récit, plus cadencé, soutenu par une photograpgie quasi hypnotique, à la panoplie des jeunes sorciers, dont l'uniforme scolaire avait fini par lasser. Ce troisième opus est celui de l'émancipation, le mauvais élève qui fait l'école buissonnière et nous entraîne dans son délire dont on ressort conquis, ravis, galvanisés. Créatif, inventif, sombre, délicieusement gothique tout en distillant une mélancolie et une poésie que l'on aurait pas cru possible pour une adaptation de ce genre, Le Prisonnier d'Azkaban raffle tout, transforme le bonbon que sont les deux premiers opus en madeleine de Proust, trésor chéri entre tous, nous offre la plus belle partie de Quidditch du cycle, les effets visuels les plus magiques, l'aura la plus captivante. Tout simplement parce que, là où Columbus n'était qu'un architecte, Cuaron se fait psychologue de l'image, et en extrait l'essence profonde, tout en restant fidèle au roman, avec plus de liberté et d'excentricité.

Mon ressenti: The very best of Harry Potter à l'écran. A mes yeux, un sans faute. Jusque dans le générique, délicieux, et la partition, épatante. Mon chouchou. And that's it!

Harry Potter et La Coupe de Feu

College attitude, by Mike Newell. Ou comment, après trois ans de joyeuse camaraderie, les hormones des petits sorciers s'éveillent doucement aux années "boum". Et, de ce point de vue là, Newell excelle: la comédie romantique, ça le connaît et, ici, il s'amuse d'avantage de l'univers écrasant de HP que de son casting, qu'il malmène gentiment, pour notre plus grand plaisir, avec en sus l'incorporation de nouveaux visages, forts réjouissants. Visuellement, on reste dans quelque chose d'assez sombre, même si les ennuis, les vrais, n'en sont encore qu'à leurs balbutiements. L'atmosphère est soignée, tantôt virevoltante, légère, tantôt pesante, angoissante, à l'image du roman, qui se compose comme un thriller adolescent mené en virtuose. Pour autant, si Newell maîtrise parfaitement le côté dramadie du récit, il en oublie un peu le côté haletant, oppressant, sans doute mal dosé. De même, certaines scènes, fort attendues, sont ou tronquées, ou éludées, au grand désarroi des fans. Et, comme souvent, le final déçoit un peu.

Mon ressenti: La Coupe de Feu est mon plaisir coupable de la saga. Car, objectivement, on ne peut pas parler d'une réussite formelle. Par rapport au roman, il cumule pas mal de lacunes. Pourtant, j'ai une affection particulière pour celui-ci, sans doute parce qu'il exalte le côté "années lycée" dans ce qu'elles ont de meilleur dans le souvenir de chacun (et le mien). J'aime son impertinence, sa désuétude adolescente, les coups de gueule entre potes, les célébrations clandestines et les intrigues de couloir. Et puis, je dois à Newell d'avoir réussi à m'émouvoir avec la mort d'un personnage qui m'avait pourtant laissée de marbre à la lecture, là où Yates a foiré avec les personnages auxquels pourtant je tenais...

Harry Potter et L'Ordre du Phénix / Harry Potter et Le Prince de Sang Mêlé / Harry Potter et Les Reliques de la Mort (Part I & II)

Quand Harry rencontre (celui que l'on semble prendre pour) son maître: David Yates. Ou le champion en terme de longévité dans l'histoire des réalisateurs attachés à la saga. Pourquoi? Mystère, tant ses adaptations sont sujettes à controverse, bien d'avantage que ses prédécesseurs. Certes, le bonhomme a du style, maîtrise bien l'adolescence désormais violente, déferlante, de ces jeunes dans la tourmente, et gère son affaire comme un roi loin des remparts de Poudlard. Pourtant, sur le fief de Dumbledore, Yates perd du terrain. Sans odute allergique à la vie de château, son ressenti de Poudlard est brouillon, peu convaincant, trop éloigné sans doute de ce qu'on en connaît. Si les émotions diverses et puissantes distillées au fil des deux opus majeurs que sont L'Ordre du Phénix et Le Prince de Sang Mêlé sont largement comprises et exploitées par lui, les enjeux et leurs résultantes sont bien plus difficilement traduits à l'écran. La faute, notamment, à une première dans l'histoire de la saga: non content d'élaguer - parfois à l'excès - le contenu des romans lui servant de base, Yates se paye le luxe de créer de toutes pièces des scènes venues d'on ne sait où, et dont l'apport reste discutable. S'il est le maître de quelque chose, c'est de la semi-réussite en la matière. David Yates reste en partie aux portes de légende, ne saisissant pas forcément ce qui, aux yeux des fans, relève d'une importance capitale.

Mon ressenti: J'aime bien David. Mais il a eu le mauvais goût de spolier quelques uns des plus grands moments de la saga. Si je ne suis pas attachée plus que ça à certains détails de l'histoire (on ne peut décemment pas faire des films à rallonge), il y a quand même des éléments dont on ne peut pas faire abstraction. Mais lui l'a fait, et ça a du mal à passer. Sans vouloir spoiler, les finals des opus 5 et 6 sont franchement réalisés à la truelle, et s'assoient sans honte aucune sur deux des plus gros climax de la saga. Les néophytes l'on ressenti. Imaginez les fans... Cependant, on ne peut pas tout dénigrer de son travail, qui reste très appréciable, avec une touche "réaliste" inédite et s'inscrivant avec bonheur dans le décor, curieusement. Il y a du très bon chez Yates. Mais ses prises de risques sont souvent plus dommageables aux films qu'autre chose. La faute à un timing trop serré? C'est ce que le dernier double volet de la saga va nous démontrer dans les prochains jours...

A l'heure où j'écris ces lignes, j'ai déjà vu la première partie des Reliques de la Mort, qui sonnent le glas cette fantastique épopée qui s'éteindra définitivement en juillet prochain. Vous aurez très bientôt un compte-rendu de ce que j'ai pu penser de ces premiers derniers soubressauts. Mais, quelqu'en soit l'issue, Harry Potter est et restera, à mes yeux, un héritage colossal, tant littéraire que cinématographique, en même temps qu'un hommage à ce que l'imaginaire fantastique a fait de mieux. Epique, assurément, pour les siècles à venir.

Méfait accompli.