Somewhere in time, un film de Jeannot Szwarc (1980) d’après un texte de Richard Matheson, avec Christopher Reeve, Jane Seymour & Christopher Plummer.
Résumé : Richard Collier est un jeune auteur dramatique, dont la dernière pièce a rencontré un succès critique. Le soir de la première, il est abordé par une femme âgée qui lui remet une montre gousset en lui disant : « Reviens-moi. » Quelques années plus tard, il semble avoir perdu le goût d’écrire et décide de prendre des vacances au bord du lac Michigan. Une impulsion. C’est là qu’il verra, dans le petit musée de l’hôtel, la photo d’une actrice de théâtre célèbre en son temps. Il va, littéralement, en tomber amoureux. Mais elle a vécu au tout début du siècle…
Une chronique de Vance
Il aura fallu attendre longtemps pour qu’enfin ce film vînt à moi. Je ne l’avais jamais vu, et ce n’était pourtant pas l’envie qui m’en manquait. Le titre m’avait d’abord intrigué il y a longtemps, lorsque je lisais une synthèse sur la SF dont l’auteur avait dressé quelques œuvres cinématographiques incontournables : cette adaptation de Matheson semblait avoir ses faveurs et porter une aura singulière, un peu comme celle d’Abattoir V de George Roy Hill. Plus tard, des amis cinéphiles me diront leur amour pour ce film – et je respecte suffisamment leur avis pour que le souvenir ressurgisse. C’est au hasard d’un dîner chez d’autres connaissances que j’ai eu l’occasion de l’emprunter.
Puis de le visionner.
Passons vite sur l’édition : un DVD antédiluvien néanmoins nanti d’une très belle jaquette, mais encodé en 4/3 à partir d’un master plutôt poussiéreux. Pire : pas de sous-titre français ! J’en étais donc réduit à regarder l’œuvre en VF 2.0. autant vous dire que cela partait mal.
Ensuite, et pas de chance pour notre beau pays, c’est le réalisateur qui m’agaça : le frenchy Jeannot Szwarc nous propose une mise en scène plan-plan avec des cadrages peu esthétiques et des enchaînements ratés qui ne distinguent pas la production de ces téléfilms qui fleurissent sur M6 les après-midis. La séquence de la « révélation », dans le petit musée de l’hôtel de luxe, avec Christopher Reeve censé se retourner lentement pour qu’enfin on découvre ce qui l’hypnotisera, est d’une lourdeur et d’un maniérisme assez perturbants.
Pourtant, petit à petit, on se laisse gagner par l’histoire de cet amour qui défie le temps, par les efforts insensés que produit Collier pour tenter de rejoindre cette femme qui comblera peut-être ce vide qui le ronge : son enquête aussi passionnée que méthodique retarde l’échéance – on sait qu’il effectuera coûte que coûte sa « tentative » - mais entretient une attente bénéfique, qui enrichit le personnage en nourrissant son obsession. Cette ferveur (fièvre ?) qui anime parfois le regard de Christopher Reeve (tout juste sorti du succès planétaire de Superman the movie) est tout à son honneur : le comédien, avec ce visage d’ange dissimulant mal une véritable force intérieure, fait passer plus de nuances dans ses émotions qu’on ne pourrait le penser.
Et puis, la bascule se fait, de telle manière qu’on se doute que l’issue ne peut pas être heureuse – c’est, d’ailleurs, la seule inconnue, le reste étant pour un spectateur des années 2000 un peu trop balisé. Le cadre enchanteur, les tenues Belle Epoque sont rehaussés par une partition divine de John Barry, qui s’adonne à des envolées de cordes à l’aune de ses plus beaux thèmes romantiques (Out of Africa et Danse avec les loups) – sa présence dans l’équipe technique n’étant semble-t-il dû qu’à l’appui de Jane Seymour qui faisait partie de ses amies, car le budget du film ne pouvait se le permettre. Son thème principal s’accorde à merveille avec le morceau de Rachmaninov qui sert de point d’ancrage à la relation que vont tisser nos deux amants temporels. Car si Richard Collier sacrifie tout pour ce fol projet (sa carrière prometteuse, sa vie même), il n’a aucune idée de la manière dont Elise McKenna (rayonnante Jane Seymour) l’accueillera. Celle-ci est donc une actrice renommée, guidée d’une main de fer par un agent sévère (Christopher Plummer, à l’élégance toute aristocratique) et dont on s’aperçoit qu’au fond, elle aussi, attend autre chose de sa vie que la trajectoire d’une star : elle attend celui qui bouleversera son destin, annoncé comme par une prophétie (une prédiction de cet agent mystérieux, qui nous laisse penser que, peut-être, il en saurait plus sur Collier qu’on ne le croit).
Au final, on obtient une œuvre maladroite mais à la sincérité touchante, avec cette histoire d’amour qui transcende les âmes et traverse le temps, bousculant les codes et conventions, et se laisse bercer des illusions lyriques que seuls des innocents peuvent ressentir. A noter le caméo de l’auteur Richard Matheson et l’apparition de William H. Macy dans son premier rôle.
Un des bonus du DVD évoque la création du fan-club et nous montre la convention réunie sur les lieux même du tournage (l’île de Mackinnac sur le lac Michigan) pour les 20 ans du film, en présence des comédiens et du réalisateur.