Un mois après, nous y revoilà avec la publication de 250 000 télégrammes diplomatiques venus du département d'État à Washington et de toutes les ambassades américaines dans le monde.
Et ce n'est certainement pas fini.
Sous couvert d'une valeur extraordinaire, la liberté, certains geeks prennent le monde pour un vaste terrain de jeu et tentent de mettre les efforts diplomatiques d'une nation KO.
WikiLeaks n'est pas seulement une attaque en règle contre la diplomatie américaine. WikiLeaks est une attaque contre l'art diplomatique en général. Contre ses secrets, ses alliances, ses négociations, ses hésitations. Contre ses réussites et ses échecs. Contre ses mystères.
WikiLeaks perçoit le monde comme un grand champ manichéen où les gentils diraient la vérité au peuple et les méchants la cacheraient. Mais WikiLeaks a-t-il tort?
Avant toute analyse, il est important de rappeler que les documents qui sortent sont classés "confidentiels" ou "secrets" mais en aucun cas "top secret". Ne sort donc de WikiLeaks qu'une partie de la pensée et des actions américaines.
Rappelons également que WikiLeaks n'est en rien une bouche de vérité puisque les documents publiés ne sont qu'une partie des informations circulant dans les milieux diplomatiques ou militaires. WikiLeaks ne nous permet donc qu'une analyse partielle, partiale, sans aucun recul et donc dangereuse.
Cela étant dit, puisque ces documents sont maintenant irrémédiablement publics, qu'apprenons-nous concrètement? Rien. Dans les premiers documents publiés par les journaux ayant eu la manne de ce scoop, nous n'apprenons rien. Rien que nous ne sachions. Rien qui ne soit déjà sorti. Rien.
L'Iran inquiète les pays arabes qui craignent une déstabilisation de la région? Pas nouveau.
L'Iran inquiète Israël qui discute avec les États-Unis de la meilleure manière de stopper ce terrifiant programme nucléaire quitte à faire évoluer le pays? Rien de nouveau.
Chavez est considéré comme "fou" par la diplomatie française? Rien de nouveau.
Merkel énerve par son manque de courage? Rien de nouveau.
La Russie négocie sa diplomatie en échange de contrats, la Turquie est peu stable et s'islamise, Berlusconi a des nuits agitées? Rien de nouveau.
Nous n'apprenons rien. Ou plutôt si...
Nous apprenons que l'attitude des diplomates correspond peu ou prou à ce que laissent supposer les discours politiques, si tant est qu'on y fasse attention. Nous apprenons que les Etats-Unis tentent d'endiguer par tous les moyens des problèmes qu'ils considèrent comme graves. Nous apprenons que nombreux sont les pays à partager officiellement et officieusement ces craintes.
Nous apprenons que nous vivons une phase cruciale, un bouleversement économique, une tension religieuse.
En réalité, alors que WikiLeaks pensait nous révéler une honteuse vérité cachée et condamner le menteur, WikiLeaks nous apprend que tout ce qu'on nous dit est pensé et réfléchi. C'est plutôt rassurant. Il est sans doute inquiétant de voir le monde vivre une telle tension mais rassurant de s'apercevoir que le citoyen moyen n'est pas la cinquième roue du carrosse.
Certes, il y a des petites phrases de diplomates qui feront jaser. Mais rappelons-nous les diatribes et autres traits d'humour de Churchill sur ses contemporains.
Certes, il y a des petits arrangements qui paraitront cyniques. Mais n'oublions pas qu'il est plus facile de faire de la géopolitique attablée au comptoir d'un bar que dans une salle de négociation.
Certes, il y a des scoops qui créeront des pages vues, de la gloire et des ventes. Mais... Mais quoi en fait? Il n'y a pas d'excuse pour tout...
Il arrivera un temps où la diplomatie sera plus transparente.
Il arrivera un temps où la diplomatie ne sera guidée que par la charité, le meilleur bien pour le monde.
Il arrivera un temps où les populations discerneront leurs choix. Choix de la liberté, choix du bien, choix de la vérité.
Ce temps, nous en sommes responsables.
En lisant ces télégrammes, en regardant le monde qui nous entoure, en priant l'Esprit-Saint de nous éclairer, essayons de nous demander : quels choix dois-je faire ou promouvoir pour être digne du monde que Dieu m'a confié?
Comme le dit l'Evangile de ce premier dimanche de l'Avent : "tenez-vous donc prêts, vous aussi : c'est à l'heure où vous n'y penserez pas que le Fils de l'homme viendra."
La vocation de l'Homme est de choisir le chemin du bien. Il n'est jamais facile de discerner. Mais il est toujours possible d'essayer. C'est la vocation du diplomate, du journaliste, du geek. C'est aussi la nôtre.