Carl Spitzweg (Unterpfaffenhoffen, 1808-Munich, 1885),
Touristes anglais en Campanie, c.1845.
Huile sur papier, 50 x 40 cm, Berlin, Alte Nationalgalerie.
Si l’on sait généralement que l’Allemagne a produit, tout au long du XIXe siècle, nombre d’œuvres de musique de chambre pour toutes sortes de formations, la frénésie opératique qui régnait en France dans la première moitié de ce même siècle a souvent occulté une activité qui ne se pratiqua pourtant pas que dans sa seconde partie. Le disque de l’ensemble Osmosis, que vient de publier Ramée, rapproche intelligemment deux nonettes créés de chaque côté du Rhin, celui de Louis Spohr et celui de George Onslow, partitions à la fois jumelles et représentatives de la transition entre deux esthétiques.
Il semble bien, sans que l’on puisse déterminer qui en fut l’inventeur, que le nonette soit apparu simultanément sous la plume de plusieurs compositeurs, puisque la même année 1813 voit Franz Schubert signer Eine kleine Trauermusik pour neuf instruments à vent (D.79) et Louis Spohr son Nonette en fa majeur, dans lequel il choisit d’associer vents – flûte, hautbois, clarinette, cor, basson – et cordes – violon, alto, violoncelle, contrebasse –, une distribution qui sera reprise à l’identique par George Onslow.
Il convient de dire quelques mots sur Spohr qui, comme beaucoup de ses contemporains, notamment Beethoven, adopta la mode de
franciser son prénom, Ludwig, en Louis. Né dans une famille aisée à Braunschweig en 1784, il fut naturellement encouragé par des parents tous deux musiciens dans cette voie et devint un
virtuose du violon, acclamé comme tel lors de la tournée qu’il entreprit en Allemagne en 1804.
Avec George Onslow, le pas est allégrement franchi. Je reviendrai un jour sur ce compositeur qui, depuis quelques années,
commence à émerger d’une longue période d’oubli et dont on s’aperçoit enfin de l’importance dans le paysage musical français de la première moitié du XIXe siècle. Ce fils d’un
aristocrate anglais exilé en France est né à Clermont-Ferrand en 1784 et y est mort en 1853.
L’interprétation que livre l’ensemble Osmosis (photographie ci-dessous) de ces deux partitions dégage un charme immédiat qui
fait oublier la rigueur toute classique de leur construction. Il semble qu’il s’agisse du premier enregistrement à utiliser des instruments « d’époque », les choix organologiques
faisant l’objet d’un argumentaire développé dans le livret du disque, et il tient toutes les promesses qu’on est logiquement en droit d’attendre d’une telle démarche. Les textures sont légères
tout en conservant du corps, le discours est conduit avec souplesse et allant, les couleurs, surtout, sont d’un très grand raffinement, rappelant souvent la chaude et douce lumière qui nimbe
les sous-bois en automne.
Voici un disque de musique de chambre réussi qui permet de redécouvrir deux œuvres d’une facture très achevée rendues au plus près de leurs couleurs d’origine. On espère maintenant qu’il sera permis à l’ensemble Osmosis d’aborder d’autres pièces de ce type, dont le XIXe siècle fut prodigue, celles de d’Anton Reicha, Ferdinand Ries ou Louise Farrenc, pour ne citer que quelques exemples, car la pertinence et la fraîcheur de son approche donne incontestablement envie de l’entendre à nouveau dans ce répertoire.
Osmosis :
Kate Clark, flûte, Ofer Frenkel, hautbois, Nicole van Bruggen, clarinettes, Helen MacDougall, cor, Benny Aghassi, basson,
Franc Polman, violon, Elisabeth Smalt, alto, Jan Insinger, violoncelle, Pieter Smithuijsen, contrebasse.
1 CD [durée totale : 69’03”] Ramée 1007. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. George Onslow, Nonette, op.77 :
[I] Allegro spirituoso
2. Louis Spohr, Nonette, op.31 :
[III] Adagio
Illustrations complémentaires :
Louis Spohr en 1815, lithographie anonyme.
Pierre Louis Henri Grévedon (Paris, 1776-1860), George Onslow, 1830. Lithographie, 32 x 24 cm, Paris, Bibliothèque Nationale de France.
La photo de l’ensemble Osmosis est reproduite d’après le livret du disque.