Et ceux-ci étaient bien au rendez-vous samedi midi à l’UGC Ciné Cité Bercy. En quelques instants, mes amis et moi étions encerclés. Devant nous, cinq ou six copines partageant un seau de pop corn qui ne sera définitivement vidé qu’à 20 minutes de la fin du film. A ma droite, un couple d’ados avec un autre seau de pop corn. Et derrière ? Encore cinq ou six adolescentes, celles-ci sans pop corn mais avec un gros potentiel pour se faire remarquer comme j’allais le constater au cours du film. En même temps il faut bien avouer que si ce septième Harry Potter avait fait partie des bons crus, j’aurais moins entendu les filles de derrière.
Mais voilà, la première partie des Reliques de la mort est un tout petit Potter, au scénario bâclé et mal rythmé qui ne laisse aucune chance au film. Les ellipses servant à tourner plus rapidement les pages du bouquin évitent ce qui pourrait être de vraies bonnes séquences (une bataille aérienne de sorciers !!) pour se concentrer sur un mollasson triangle Harry/Hermione/Ron courant seul pendant les deux tiers du film, sans personnages secondaires forts qui caractérisent habituellement les films Harry Potter. La galerie de personnages n’est pas exploitée, préférant balader le trio de jeunes sorciers de forêts en forêts avec une intrigue bien mince (alors il faut trouver un médaillon, une fois celui-ci trouvé il faut trouver un moyen de le détruire, et une fois le moyen trouvé il faut trouver l’instrument qui permettra cette destruction… pfff). Il semblerait qu’avoir scindé la dernière adaptation en deux films n’était qu’un prétexte à ramasser plus de fric et à ne pas tuer tout de suite la poule Potter aux œufs d’or, car le doute n’est pas permis : il n’y avait pas de quoi faire un épisode de 2h25 avec ce film. Ce qui déçoit cruellement après la qualité étonnante du sixième volet.
Lorsque le générique surgit à la fin et que les lumières se rallument, ma petite voisine de derrière n’attend pas une seconde pour balancer « J’ai trop kiffé. Je les kiffe tous de toute façon. Je crois que je kifferais tous les films jusqu’à la fin ». Moi ce que je retiendrai surtout de cette spectatrice c’est une chose qui n’a pas semblé gêner ses copines qui n’ont jamais moufté à ma grande surprise. Car moi, pendant tout le film, je n’ai pas arrêté de l’entendre roter. Oui, vous avez bien lu. Oh bien sûr, pas à gorge déployée. C’étaient des éructations contrôlées, bouche scellée avec échos caverneux. Un son inimitable et parfaitement reconnaissable, que la jeune fille n’a cessé d’essayer de retenir tout au long du film. Toutes les 8 ou 9 minutes, ce bruit si étonnant résonnait dans mon dos. Ce serait ça, l’effet Harry Potter sur les adolescentes ?
Mais ce qui m’a fait rire aussi à cette séance de Date Limite, c’est une fuite d’eau qui avait lieu dans la salle. Non non, pas une fuite d’eau inopinée, mais une fuite d’eau qui était déjà en cours avant que la séance ne commence. Un goutte-à-goutte tombait du haut plafond sur un petit groupe de sièges au fond de la salle. Sur le coup, en entrant je n’avais pas remarqué. J’ai tendance à descendre directement vers le 5ème ou 6ème rang, et ce qui se passe au 12ème rang m’importe peu. Mais là, je me suis à un moment tourné pour voir s’il y avait du monde, et j’ai alors vu dans le reflet des lumières des gouttes tomber du plafond sur des sièges couverts de sacs plastiques. Ahurissant. Avec autour, des spectateurs qui s’apprêtaient à passer tout le film avec le bruit du goutte-à-goutte et pour certains, ceux qui se trouvaient derrière la fuite, l’eau traversant l’écran dans leur champ de vision. Si la salle avait été pleine, je les aurais peut-être plaints, mais là, il y avait largement assez de places libres pour qu’ils se redéployent ailleurs, où l’herbe était plus sèche.
Après un repas pour me remettre de ces deux premiers films et une tentative improvisée (et avortée, devant le monde) de voir le Raiponce de Disney au Grand Rex en VO, j’ai terminé ma journée ciné à 22h, devant l’Espace Saint-Michel, à attendre dans le froid que les portes s’ouvrent pour la séance de Destination Himalaya de Jeon Soo-il, réalisateur de La petite fille de la terre noire. A cette heure-là, dans cette salle-là, les spectateurs sont épars. Trois coréens quinquas ayant l’air un peu éméchés s’arrêtent pour regarder l’affiche, s’amusant de voir à l’affiche à Paris ce petit film coréen qu’ils ne connaissent peut-être pas (mais reprennent leur chemin pour remonter le Boulevard Saint-Michel.
Le film se déroule alors tranquillement. Un premier acte calme, zen, une déambulation d’un coréen à travers monts et vallées rocailleuses d’Himalaya, en silence. Ca y est, très vite, mon couple de sexagénaire, dans mon dos, perd pied. J’entends monsieur sombrer dans une série de ronflements peu discrets qui me fait me retourner, ce qui le réveille aussitôt. Le film trouve son rythme en confrontant notre héros coréen à une népalaise à laquelle il n’arrive pas à avouer qu’elle est veuve, que ce mari qu’elle attend ne reviendra pas de Seoul où il est mort en tentant d’échapper à la police. C’est Choi Min-Sik, l’acteur de Oldboy, qui incarne ce coréen qui s’installe alors tel un vacancier chez la veuve en attendant de trouver les mots pour lui avouer la vraie raison de sa présence. J’ai beau me plonger sans peine dans cette belle rencontre, mon sexagénaire replonge lui dans les ronflements, ce qui amuse d’autres spectateurs mais m’agacent d’autant plus que je constate que sa compagne est elle aussi en plein sommeil. Mais heureusement, mes protestations le réveillent, et il ne sombrera plus.
La passion l’aura aveuglée, difficile de lui en vouloir. Mais nul doute que cette scène l’aura plongée dans un grand embarras : on ne l’a alors plus entendue de tout le film. Il n’est jamais trop tard pour rencontrer une nouvelle cinémaniaque que la maladresse rend touchante, et avec elle s’est achevée cette longue et presque folle journée dans les salles, que les mésaventures ont rendue encore plus savoureuse. Les rencontres sont infinies dans les salles de cinéma parisiennes.