À cinq ans, je prenais mes premiers cours de piano. Parce qu’il y avait toujours eu un piano à la maison, parce que ma mère en jouait.
J’en joue toujours.
Quelques années plus tard, je décidais de me mettre au violoncelle, parce que j’aimais la sonorité de cet instrument, sa forme, la façon dont on en jouait.
Le violoncelle, on le prend dans ses bras, on doit le faire vivre vibrer, créer chacune de ses notes, de ses sons. Sa forme est faite d’arrondis, il est de teintes chaleureuses, on voit les veines de son bois.
Le piano, on est juste assis face à lui, il suffit d’appuyer sur une touche pour que le son soit. Entre le piano et le pianiste, il n’y a que des touches blanches et noires, bien rangées les unes à côté des autres.
Le violoncelle, il faut ne faire qu’un avec lui et le faire vibrer dans ses bras ; le piano, il faut le dominer.
Une dizaine d’années plus tard, j’ai eu à choisir, je ne pouvais pas passer une heure par jour à travailler chaque instrument. Je n’ai continué que le piano, parce que face à son clavier, je me sentais libre et tout - ou presque - me semblait possible, je pouvais oublier la technique pour m’évader.
Mon violoncelle est depuis resté sagement rangé dans sa housse. Les premières années, il m’arrivait de l’en sortir, d’en jouer avec quelques amis. Puis je n’y ai plus touché, et j’ai tout oublié.
L’année dernière, je l’ai ressorti. Les crins de l’archet étaient tous cassés, et lui complètement désaccordé. J’ai cassé une corde en tentant de le réaccorder.
Du violoncelle, je ne connais plus que la sonorité, et c’est toujours celle que je préfère.
En écrivant ces lignes, j’écoute Anne Gastinel jouer les suites pour violoncelle de Bach
, et c’est juste beau.