Nous entendons souvent parler de psychologie du sport sans forcément y être confronté. Certains en ont peur, d’autres n’osent pas franchir le cap. Mais en quoi consiste le métier de psychologue de sport ?
Entretiens aujourd’hui avec Sophie Huguet, psychologue du sport et auteur du site www.psychologiesport.com
Qu’est ce que la psychologie du sport au juste ?
La psychologie du sport est un champ assez vaste, car on ne s’intéresse pas qu’au sport mais au sportif dans sa globalité. Pour ma part, je considère que le bien-être psychologique est primordial pour un sportif, c’est-à-dire que le travail consiste à se qu’il se dégage de ses soucis quotidiens et personnels pour être le plus libre possible dans sa tête pendant les compétitions. Dans mon travail, j’insiste sur l’équilibre psychologique du sportif, encore plus dans le cas où le sportif est jeune. Donc le travail repose sur de nombreuses discussions où l’on aide le sportif à se connaître, à comprendre ses réactions, à le situer dans son environnement familial et social, et à lui permettre de donner un sens à sa pratique et son désir d’atteindre le haut niveau. Il y a évidemment des problématiques récurrentes mais le travail est très individualisé aux besoins de chaque sportif. Ensuite, cela consiste à apporter également des outils ou techniques (relaxation, imagerie mentale, fixation d’objectifs etc.) qui permettent aux sportifs de devenir autonomes dans leur préparation mentale. Quand par exemple, on essaye d’instaurer un rituel à utiliser à chaque compétition, on l’aide aussi à prendre conscience que son état mental vient d’abord de lui-même et non de la situation et l’on essaye de travailler sur les états mentaux qui sont contre-productifs pour la performance. C’est un métier où l’on aide le sportif à se valoriser, tant dans ses compétences sportives qu’humaines. C’est passionnant parce qu’il s’agit d’une aventure humaine et que l’on contribue en collaboration avec les entraîneurs, à aider le sportif à atteindre ses objectifs et assouvir sa passion professionnellement.
On entend souvent parler de coaching mental, y-a-t’il une différence avec la psychologie du sport ?
Cette question est évidemment une question de fond sur la formation en psychologie du sport, qui n’est pas réellement reconnue en soi en France. Des intervenants en psychologie du sport viennent de plusieurs horizons, soit STAPS, psychologie ou voire des formations alternatives comme la PNL, Sophrologie etc. Chaque intervenant a ses méthodes et ses expériences et apporte donc quelque chose de particulier à un sportif. Je dirais d’abord que c’est une question de personne, de relation que l’on entretient avec le sportif, qui se doit d’être positive et enrichissante. Évidemment, en fonction de nos formations respectives, nous n’utilisons pas les mêmes méthodes de travail. Mais je pense que la différence se situe principalement dans les objectifs. Le coaching mental vise un résultat en termes de performance alors qu’un psychologue du sport n’est pas focalisé sur la réussite sportive uniquement, mais traite de questions qui n’ont parfois rien à voir avec le sport, mais qui interfèrent dans la performance du sportif. Beaucoup de mes sportifs ont des blocages qui sont situés dans leur expérience personnelle et en travaillant sur cela, on n’a pas besoin de travailler sur des techniques mentales. J’ajouterais aussi que beaucoup d’entraîneurs ou dirigeants sont parfois effrayés par le mot « psychologie » dans le sport et utilisent plus volontiers le mot « préparation mentale », ce qui fait que l’on entend aussi parler plus de coaching mental que de psychologie du sport. L’important est qu’il y ait une éthique respectée et du professionnalisme, le sportif est ensuite libre de décider si tel ou tel intervenant lui ait plus bénéfique dans sa préparation et en fonction aussi de sa personnalité.
Certains sportifs souffrent de douleurs/blessures psychosomatiques, comment identifie-t’on ce type de blessure ? Comment en venir à bout ?
La blessure psychosomatique est un sujet très complexe et très difficile à identifier. Je dirais que l’entraîneur peut être bien placé pour identifier ce genre de blessures qui intervient à répétition ou à des moments clés, par exemple avant des compétitions importantes. Ces blessures traduisent d’un malaise qui n’arrive pas à se mettre en mot. Dans certains cas, j’ai rencontré des sportifs qui se blessaient quand ils n’arrivaient plus à communiquer avec leur entraîneur, où qu’ils ne se sentaient pas à la hauteur d’un évènement. Ce n’est pas toujours simple pour un sportif d’évoquer ses doutes face aux pressions qu’il subit et cela se traduit par un blocage du corps qui n’en peut plus. Il y a aussi le cas de sportifs qui ont des blessures inhabituelles pour leur sport, ce qui peut faire écho à une blessure psychosomatique. La blessure psychosomatique est parfois là pour éviter une situation qui angoisse, ou vient signifier un malaise plus profond. Il faut discuter avec le sportif pour qu’il donne un sens à cette blessure qui pourrait paraître anodine à première vue. C’est un sujet sur lequel je travaille actuellement et évidemment il faudrait développer plus de recherches là-dessus pour être plus précis.
Quels conseils donneriez-vous aux athlètes qui manquent de confiances en eux ?
La confiance en soi est un élément qui fluctue dans la vie du sportif. Aux moindres doutes, blessures, celle-ci peut être remise en cause et la confiance va mettre du temps à revenir. La confiance en soi ne se travaille pas seulement dans le sport, mais aussi dans la vie de tous les jours et avec un environnement propice à la développer, avec un soutien familial, amical nécessaire. L’entraîneur doit également contribuer à améliorer la confiance dans ses séances à l’entraînement et pouvoir fixer des objectifs en termes de progrès réalisés. Le sportif doit apprendre à baser sa confiance en lui, pas sur des bases de résultats, car ceux-ci évoluent à chaque compétition, mais plutôt à baser leur confiance sur leurs compétences, sur leurs progrès en matière technique, sur l’acceptation aussi que certains changements (technique, entraîneur, lieu d’entraînement) engendrent parfois une baisse de résultat immédiat mais peuvent porter leur fruit plus à long terme. Ensuite, le sportif doit également apprendre à se connaître, à connaître son fonctionnement et à se faire confiance dans ses ressentis et sa préparation. Il faut savoir se donner des objectifs qui ne sont pas liés qu’à la performance, ainsi la confiance en soi se construit sur ses propres capacités à réaliser quelque chose, et sera moins remise en cause à la moindre défaite.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre parcours ?
Je suis passionnée de tennis depuis mon enfance et très tôt j’envisageais de devenir professeur d’E.P.S et de tennis. Ayant connu de nombreuses blessures, je réalisais que mes problèmes physiques pouvaient rendre difficile l’accès à cette profession, et étant également passionnée de psychologie et philosophie, je décidais de faire un cursus STAPS en ayant en tête de faire un Doctorat en psychologie du sport. Ce cursus fut enrichissant parce que pluridisciplinaire car j’ai pu connaître de nombreux sports sous leurs aspects techniques, tactiques et pratiques, et ceci me paraît indispensable pour travailler dans le milieu sportif. J’ai effectué un semestre d’étude à Cardiff où j’ai beaucoup appris sur les interventions en psychologie du sport. J’ai également effectué en parallèle des études de psychologie pour également parfaire mes connaissances générales. Mais je pense que c’est en côtoyant les sportifs que j’ai le plus appris, dans les rencontres avec des entraîneurs, des athlètes et joueurs de tennis pour effectuer mes recherches de DEA et Doctorat sur la relation entraîneur-entraîné. En travaillant également dans l’organisation de tournois internationaux de tennis juniors, j’ai côtoyé de nombreux joueurs qui sont parmi les meilleurs actuellement et ceci m’a permis d’avoir des expériences concrètes du terrain en suivant aussi leur évolution. Ce qui me passionnait vraiment était d’intervenir auprès de jeunes sportifs, de les aider au niveau mental et j’ai commencé à travailler en parallèle de mes études avec de jeunes joueurs de tennis, puis une joueuse professionnelle et petit à petit j’ai pu m’ouvrir à diverses expériences en suivi psychologique du sportif. Quand j’étais en Grande-Bretagne, j’ai également continué à me former et j’ai obtenu mon accréditation là-bas. Dans le domaine professionnel, j’ai travaillé dans l’enseignement et la recherche en France, puis trois années à l’université en Grande-Bretagne, tout en continuant à suivre des sportifs sur le plan psychologique. Maintenant j’ai démarré une nouvelle aventure au Maroc, où j’espère pouvoir faire profiter de mes compétences aux sportifs qui désirent atteindre le haut niveau. Je prends également beaucoup de plaisir à informer les sportifs et entraîneurs sur la psychologie du sport dans mon blog (http://www.psychologiesport.com)
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