Il faut se fier à son instinct.
A chaque fois que je lui fis défaut, je m'en mordis les doigts. Ainsi, je suis allé découvrir au cinéma beaucoup de films que je ne souhaitais pas voir à l'origine, mais qui, à force de les voir couverts de louanges et de superlatifs, me firent tout de même me déplacer par pure curiosité. A mon grand regret. 4 mariages et un enterrement, Volver, The hours, pour n'en citer que quelques-uns, sont des exemples de ces films forcés qui ne m'inspirèrent au mieux qu'un profond ennui, au pire un sentiment de grosse arnaque.
De François Ozon, j'avais adoré Regarde la mer, Sitcom, Sous le sable ou, dans une moindre mesure, 8 femmes. La sortie de Potiche, son dernier film, me mit sur mes gardes à la vision de sa bande-annonce, l'ensemble me paraissant plutôt navrant dans ses dialogues, et surtout desservi par une Catherine Deneuve qui me semblait d'une fadeur à toute épreuve. Devant l'engouement quasi général, je fis le déplacement. Grave erreur.
Le film, d'un ennui abyssal, se subit de la première à la dernière image. Racontant l'histoire d'une femme reprenant la direction de l'usine de son mari suite aux ennuis de santé de ce dernier, Potiche oscille constamment entre le lamentable et le franchement gênant. A toute reine tout honneur, débarrassons-nous d'emblée du problème Deneuve. L'actrice, dont la chirurgie esthétique la fait davantage ressembler au Joker de Batman qu'à une femme, est incapable d'aligner plus de deux expressions de jeu différentes. Ou quand le bistouri a raison des capacités dramatiques (pas bien reluisantes à la base il est vrai) d'une star du cinéma français dont l'inertie de jeu n'aura jamais été aussi misérable. On ne se situe plus ici dans l'erreur de casting, mais presque dans le voyeurisme.
S'agissant du propos du film, Ozon, avec la finesse et le doigté d'un char d'assaut dans un jeu de quilles, tisse des liens forcés entre les années 70 (époque à laquelle se situe le film) et la société actuelle. Ainsi, l'on aura droit aux revendications syndicales, à la séquestration du PDG, à la ligne de dialogue sur le libéralisme galopant, et même, summum de l'art bourrin du film, aux sarkozystes "casse toi pov' con" et "travailler plus pour gagner plus". Difficile d'exceller davantage dans l'artificiel et le surlignage au mieux écoeurant, au pire vomitif, tant il prend le spectateur pour un con.
Par ailleurs, le metteur en scène use d'un décorum seventies réussi, certes, mais dont l'emploi se situe toujours dans le second degré, pour faire marrer le chaland, jamais pour situer le cadre temporel de l'histoire et développer son scénario. Entre jeter un regard drôle et tendre sur une époque, ou s'en servir de façon cynique et condescendante, Ozon a choisi son camp. Et cette absence de sincérité, cette posture permanente dans le retrait moqueur et le cynisme de chaque instant, inspire le plus profond des mépris. Sans parler de ces split screens dont se sert Ozon à plusieurs reprises, et dont l'utilisation n'a d'autre effet que de forcer le trait d'une démarche totalement artificielle.
Que reste-t-il à sauver de Potiche ? L'apparition surprise de Sergi Lopez en camionneur, deux plans dans une boite de nuit voyant Deneuve et Depardieu s'avancer l'un vers l'autre, un décompte de points en anglais façon Eurovision, et c'est tout.
Mais le film plaît, d'une manière générale. Ozon a donc réussi son pari: prendre les gens pour des abrutis en leur balançant des vérités artificielles sur la concordance des époques et parvenir à réveiller le cynisme sourd qui imprègne notre société, via la culture.
Lamentable.