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'Je me souviens' de la fébrilité du 29 octobre 1995. Le jour qui précédait le deuxième vote référendaire sur l'indépendance politique du Québec. 'Je me souviens' de cette journée légère et grave où en masse, les québécois se sont déplacés pour aller voter. Depuis des années, Jacques Parizeau avait préparé ce moment, on arrivait enfin à la fin de la troisième période d'une longue game. La photofinish avait départagé les vainqueurs des vaincus, on connait la suite. Je tente de me mettre dans la peau de mes collègues et amis ayisien qui vont aller voter demain. Un vote important dans ce petit pays aux deux cents dernières années troublées. Un jour, il faudra passer de ce 'Haïti n'existe pas', à un Haïti qui existe. Que les séquelles d'un accouchement difficile arrêtent de meurtrir cet État 'prématuré'. L'atmosphère est un mélange de fébrilité, de peur et de scepticisme. Tout le monde reconnaît l'importance de l'enjeu, bagay la n'ayant fait que révéler le vide béant dans lequel ce pays politique existe. Le choléra, mem bagay. Vide que tant de gens ont tenté de remplir aux cours dernières décennies. Millions de $ après millions de $, le vide est toujours … vide. Les autorités nationales et internationales se disent confiantes du déroulement du scrutin de demain. On se félicite d'avoir réussi à organiser des élections dans un tel contexte. Aujourd'hui, les rues sont vides, calmes. Anormalement vides et calmes. L'ambassade nous conseille très fortement de rester à la maison dimanche, de manger des chips en regardant des DVD. Des organisations internationales ont quitté pour la République Dominicaine depuis mercredi ou jeudi dernier, pour ne revenir que lorsque le climat politique post-électoral se sera calmé. Entendrons-nous toute la nuit et dans la matinée de demain, ces pétarades de coups de feu qui ne servent qu'à effrayer davantage les gens, à limiter la participation au scrutin ? Est-ce que la population affirmera une fois de plus son courage en défiant toutes les violences et la magouilles annoncées ? Qui gagnera dans la course à la contestation des résultats ? 'Je me souviens' de mon contentement le 30 octobre 1995, faire la queue avec tant d'autres, dire oui, sortir de l'isoloir et déposer le bulletin dans l'urne. Le retour à la maison avait été léger, satisfait d'avoir joué mon rôle dans cet exercice démocratique important. Des amis haïtiens passeront dîner à la maison demain après avoir joué leur rôle. J'espère qu'ils seront enfin légers de satisfaction.
** Pour les lecteurs français, 'Je me souviens' est la devise du Québec.