Je n’ai jamais réussi à vous parler de Benoît Pioulard. Non que je n’avais rien à dire, ou que je n’étais pas sûre de son talent, loin de là, c’est juste que j’ai toujours remis à plus tard, oublié, remis à plus tard, et re-oublié. Si je replonge dans mes archives, il y a un brouillon intitulé « Benoît Pioulard » qui date du 24 novembre 2008. Je voulais à l’époque vous parler de Précis (2006) et de Temper (2008), mais surtout du premier, car c’est avec « Palimend » que j’ai découvert cet artiste, pas Français du tout, probablement francophile, originaire de Portland aux Etats-Unis. Lasted confirme tout le bien que je pense de Pioulard, et s’inscrit dans une discographie pour le moment parfaite. Sa musique est captivante. Je ne vois pas d’autre mot. C’est une folk tout simple, très mélodique, sur laquelle Benoît Pioulard (Thomas Meluch de son vrai nom) pose sa voix diaphane, drapé dans une discrète brume électronique. Tous ces albums sont des collections d’ambiances, de sentiments. Toujours concis – quarante minutes ou un peu moins pour chacun de ses albums – et toujours d’une beauté spectaculaire. Je ne sais pas trop comment il travaille, mais ses morceaux sonnent comme le travail d’un artisan. À écouter au casque, évidemment, pour profiter au maximum de la richesse incroyable de chaque chanson. Vous pouvez vous laisser bercés par sa voix, ou vous concentrer sur la mélodie jouée quasi-invariablement à la guitare acoustique, voire même sur les subtiles percussions qu’il distille à merveille. Il y a dans chacun de ses albums des morceaux qui sortent du lot par leur plus grande instantanéité pop. C’était le cas avec « Triggering Back » sur Temper, C’est le cas dans ce Lasted avec « Shouting Distance » et le morceau-titre, les morceaux les plus « denses » de l’album. Beaucoup d’autres titres flirtent admirablement avec l’ambient, et comme d’habitude avec Pioulard vous trouverez des instrumentaux très aériens en guise d’interludes. J’aime beaucoup ces moments car ils permettent de mieux se concentrer sur le reste en relâchant un peu son attention pendant un peu plus d’une minute. Avec « Purse Discusses » en guise d’introduction, on est tout de suite plongé dans cette brume, pas une purple haze, mais une brume plus grise, éthérée, assez étrange et… captivante. Vous pourrez réfléchir à loisir sur le concept, je préfère me satisfaire des impressions, des sentiments que la musique procure, plutôt que du sens. Lasted m’a fait penser à l’autre grand disque folk de l’année, Admiral Fell Promises de Sun Kil Moon. Je reste béate devant l’extraordinaire beauté de ces albums, leurs splendides et apaisantes mélodies. Difficile de ne pas penser également au travail de Fennesz. Je ne pense pas que Lasted prendra la place de Précis en haut de mon podium des meilleurs disques de Benoît Pioulard, même si intrinsèquement je pense qu’ils se valent. C’est juste que lorsque je tombe raide dingue de la musique d’un artiste, j’ai une tendresse particulière pour l’objet de notre première rencontre. Benoît Pioulard construit tranquillement une oeuvre exceptionnelle, vous auriez tort de ne pas vous enquérir de ses albums ! Sorti le 11 octobre (Kranky Records)
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