Nous étions quelques-uns à fréquenter la rue. Nous venions picorer au bord des hautes fenêtres, à deux pas des récupérateurs "professionnels".
Nous venions silencieux, posément ; chacun avait son heure,
et quand il arrivait que nous étions plusieurs, nous attendions notre tour, nous contentant des restes...
Les livres s'épuisaient au cours de la journée.
Et d'autres apparaissaient à la faveur du jour,
surprenants voyageurs, au nombre incalculable.
Un matin, il y eut des livres, des dizaines de livres déchirés.
Cela se répéta. Couvertures brisées, cahiers arrachées, pages souillées...
Une personne ulcérée exprima sa rage d'un petit graffiti :
Cela ne changea rien.
L'adresse aura vécu.
Les livres s'accumulent comme autant de gueules cassées.
Spectacle malheureux.
Il y a peu, un esthète en a fait la vitrine d'un magasin fantôme.
Les oiseaux que nous sommes iront voler ailleurs.
- Monsieur -