Plus vraiment
Dj mais bien producteur, compositeur, et arrangeur en chef, Laurent Daumail, alias DJ Cam, délaisse pour l'occasion la particule et évite ainsi la confusion des genres. Déjà connu avant ça pour
ses nombreux albums d'absract hip hop, il endosse sur ce "Soulshine" de 2002 un nouveau costume plus "respectable" dans lequel il s'investit beaucoup tout en exprimant clairement ses nouvelles
intentions musicales momentanées.
Il composera tout l'album chez lui avant de recruter des musiciens pour les séances studio. Pas beaucoup d'argent à investir et un salaire de politesse, pourtant certains grands noms de la scène
jazz, funk, ou hip hop participeront à cet enregistrement. Le trompettiste Alex
Tassel, le saxophoniste Guillaume Naturel, le bassiste Daniel Roméo ou encore le pianiste Eric Legnini seront de la partie tout comme certaines "guest stars" dont le chanteur du
groupe Cameo, Larry Blackmon, les chanteuses China et Anggun, ainsi que Dj Premier sur le remix du titre "Voodoo Child".
Entre jazz, soul, et hip hop, ce disque s'inscrit dans la mouvance nu-soul, un courant porté par des artistes américains qui débarque à la fin des années 90, D'Angelo en tête. Sans être
révolutionnaire pour un sou ou même simplement très novateur, cet album a pourtant ce petit quelque chose de très attachant qui continue de me divertir lorsque je l'écoute. On retrouve la touche
particulière du Dj français sur les nombreux interludes qui le jalonnent, une base rudimentaire formée d'un unique sample séquencé à la MPC auquel il rajoute simplement basse et
batterie (un binaire des plus basiques) et qui dure en général moins d'une minute. Ces légers entractes sonores s'intercalent entre des titres bien plus travaillés et à 90% instrumentaux. Cam
indique aux musiciens les formes à suivre ou les mélodies à respecter pour ne pas risquer de sombrer dans un jazz trop virtuose tout en s'attachant à faire groover ce beau monde. Nul doute
d'ailleurs que c'est bien là que seront fournis les plus gros efforts, et c'est en grande partie pour cela que ce disque mérite quelques éloges en sa faveur. Je m'explique.
Le très bon travail de Jay Dee qui remix le titre "Love Junkee" présent l'album "Soulshine" et "Cam Revisited"
Je ne suis pas particulièrement fan du travail de Laurent Daumail que je trouve souvent trop facile, assez froid, et pas très enivrant, de "Underground Vibes" en passant par
"Liquid Hip Hop". Je n'aime pas trop non plus tout le marchandising qui l'entoure et son côté mercantile clairement affiché qui le pousse à travailler avec des artistes d'horizons divers comme
Jean Michel Jarre ou Jean Louis Murat (j'ai même lu dans une interview que Lara Fabian ne lui faisait pas peur), tout comme ces nombreuses compilations de remix ou de best-of le concernant. Un
bon moyen de payer ses impôts c'est sûr mais quelque peu décrédibilisant à mes yeux (si au moins tous ces projets valaient le coup). Alors qu'en apparait ce disque en 2002 et qu'un ami me propose
de me le faire écouter je ne savais pas trop à quoi m'attendre, et finalement je n'ai pas été déçu, j'ai même été agréablement surpris. Surpris et en même temps conforté dans l'idée que je
m'étais faite de cet artiste.
Si ce disque est bon, qu'il groove de toutes parts et que les 60 minutes qu'il propose défilent aussi bien dans mes enceintes, c'est que justement il ne ressemble pas à du Dj Cam. Fini le temps
des morceaux sans conviction fabriqués en 1 heure qui tournent en boucle pendant 4 minutes de rien ou de si peu. Ceux qui travaillent le son avec une MPC le savent bien, il ne suffit pas de
coller des samples entre eux et d'y ajouter un beat pour que la mayonnaise prenne. Ce travail, si l'on veut vraiment être original, mérite qu'on y passe du temps et que l'on soit patient. C'est
d'ailleurs ce qui est le plus dur et qui peut facilement nous décourager (on passe souvent autant, voire plus de temps à rechercher les bons sons, de la bonne couleur, qu'à bosser sur un titre.
Parfois même on ne parvient à rien). A la différence des musiciens, qui plus est confirmés (comme c'est le cas sur ce disque) qui peuvent se permettre de variés les plaisirs tout en essayant
différentes possibilités mélodiques ou rythmiques selon leurs envies, le Dj est à la merci de sa banque de son, doit souvent se résilier à utiliser ce qu'il peut, et se retrouve toujours dans
l'impossibilité d'improviser au-delà de ce que lui impose sa machine. Dj Cam s'est donc offert ce dont tout Dj rêve, faire intervenir des musiciens chargés d'embellir sa musique et d'apporter le
raffinement technique et instrumental indispensable à ses morceaux. Sans dénigrer son talent de producteur qui pour le coup se révèle payant, je dois reconnaitre que sans eux ce disque ne serait
pas à la hauteur et n'aurait rien de très original. D'ailleurs le contraste qualitatif flagrant entre les morceaux "normaux" ou les interludes (selon que les musiciens soient là ou non) me permet
tout de même de douter des réelles capacités du Dj à pouvoir faire groover un son dès lors qu'il est seul aux commandes. Qu'importe, "Soulshine" est dans l'ensemble plutôt efficace et tient bien
la route. Plus que les recommandations de Cam (bien sûr ce n'est que mon avis), c'est le feeling des musiciens qui en est l'arme majeure et qui fait vraiment sonner cet opus durant les 60 minutes
qu'il contient. Le binôme basse-batterie est assez redoutable et ne pourra laisser indifférents les amateurs de soul. Il a un air classieux et distingué ("Love Junkee" - "Bounce") et ne
s'enferme pas dans les clichés d'un genre déjà emprunté par beaucoup d'artistes.
Finalement assez unique sans pour autant se surpasser dans des exigences stylistiques trop éloignées du concept épuré et suffisant qu'il propose, ce disque a beaucoup pour lui et reste le plus
réussi de la longue série des publications du Dj français. Un cd rangé sur mes étagères dans la rubrique soul que je me devais de vous faire partager et dont vous pourrez faire la pub. Le lien
ici pour écouter l'album en entier.
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