Avec la sortie au cinéma des Reliques de la mort (première partie), la saga au succès planétaire touche (presque) à sa fin. Et si Harry Potter plaisait avant tout pour son côté… « conte de fée » ?
Une fois de plus, Harry Potter est dans toutes les salles de cinéma du monde. Et une fois de plus, on ne peut que constater le succès planétaire du jeune sorcier à la cicatrice en Z. 435 000 entrées rien qu’en France, le jour de sa sortie, c’est dire…
D’ailleurs, on en a beaucoup dit (et écrit) sur le personnage de Joanne (J.K) Rowling. Fort de son aura mondiale, Harry Potter a été étudié sous tous les angles, méticuleusement analysé, décrypté, décortiqué… Libération est allé jusqu’à se demander si le sorcier « était de gauche », avançant un certain nombre d’arguments politiques sur les traits de caractères du jeune sorcier, sur ses amis et ses ennemis, et sur le système de sélection à Poudlard (Hogward en Anglais), la mythique école de magie.
Bien entendu, ça n’a pas raté : le phénomène a aussi eu son interprétation psychologique. Benoît Virole, dans son ouvrage L’enchantement Harry Potter, associe l’œuvre de Rowling à « une forme narrative des conflits internes de chaque enfant » (la suite de l’interview sur Doctissimo…).
Pourquoi pas. Et en se tordant encore un peu l’esprit, on pourrait certainement en dire beaucoup plus sur les prédispositions politiques du garçon à la baguette et sur la psychologie Harry-Potter-esque en général. Mais à trop complexifier les raisons d’un succès, on passe certainement à côté du plus simple, et peut-être de l’essentiel. A savoir, la saga plaît peut-être d’abord parce qu’elle est bâtie comme les contes de notre enfance.
Ceux-ci respectent invariablement le même schéma : un monde plus ou moins « idéal », un déséquilibre, une quête ponctuée d’apprentissages, et un retour à une situation souvent plus favorable qu’au départ. Ainsi, dans Le Chat botté de Charles Perrault… Un meunier vit seul avec ses trois fils (le monde « idéal »), il meurt et ne lègue que son chat à son cadet (le déséquilibre), mais l’animal se révèle particulièrement rusé et s’efforce de faire la fortune de son nouveau maître en le faisant passer pour un marquis aux yeux du roi (la quête et les apprentissages), pour finalement lui faire épouser la fille du monarque (la fin heureuse).
Les sept tomes d’Harry Potter suivent à la lettre ce cheminement. Le tout jeune sorcier orphelin est plongé dans le monde merveilleux de la magie. Cet univers se trouve rapidement menacé par l’émergence de forces maléfiques (incarnées par Voldemort et ses sbires). Harry Potter doit alors s’efforcer de trouver les moyens de les contenir, puis de les vaincre, le plus souvent en faisant preuve de déduction et de perspicacité plutôt que de force brutale. S’ensuit la plus traditionnelle des fins de contes de fée : Harry Potter se marie et a des enfants (oups… on l’a dit) . La démarche, quoique simple, est nécessairement séduisante, puisqu’elle rappelle à chacun les Hansel et Gretel, et autres Belle au bois dormant et Cendrillon de ses jeunes années.
Harry Potter, un conte « en direct »
A une différence près cependant, et de taille. Les contes de fée usent de symbolique pour montrer la voie : une nécessité quand le récit ne dure que quelques pages et s’adresse aux enfants. Le sens de la vie, ses étapes et ses interdits sont exposés… mais toujours derrière les masques qui les rendent présentables. La princesse de la Belle au bois dormant est protégée par des fées durant ses premières années -la symbolique de l’enfance- avant de se piquer le doigt au fuseau d’une quenouille, ce qui marque les premiers tourments de l’adolescence. Son sommeil peut ensuite être vu comme le replis sur soi, avant que le prince ne la sorte de sa condition pour l’épouser. Ultime étape : un affrontement avec la belle mère du conjoint (une ogresse…). Difficile ne pas voir dans l’histoire la description symbolique de la vie d’une femme (de l’époque de Perrault s’entend. Quoique…)
Du reste, les contes en disent parfois encore plus : le rapport conflictuel avec ses frères et sœurs dans Cendrillon, le jardin secret dans Barbe bleue, voire même l’inceste dans Peau d’âne. Harry Potter, conte moderne, peut se permettre d’échapper à cette règle de la symbolique. Et ce pour une raison très simple : il est particulièrement long (trois cents à sept cents pages par tome). Les héros grandissent en même temps que les lecteurs. Nul besoin, donc, d’user de symboles : Harry, Ron et Hermione ont tout le temps de passer de l’enfance à l’adolescence, de connaître leurs premières joies, leurs premières amours, leurs premières peines… Ils ont également tout le temps de sortir du monde enchanté de Poudlard pour découvrir que la magie ne peut pas tout et ne préserve pas des désillusions.
C’est là sans doute la grande force de Rowling. Elle invente une histoire plaisante, calquée sur nos contes, en y glissant les elfes, dragons et sorciers des histoires de notre enfance. Mais dans le même temps, elle s’éloigne de la symbolique pour faire dans le réalisme. Pas de piqûre de quenouille pour montrer que l’on prend de l’âge, pas de baiser au bout d’un sommeil de cent ans pour évoquer les émois et les tourments amoureux… Les acteurs de la saga apprennent la vie « en direct », comme le commun des mortels. Ce qui est sans doute particulièrement parlant pour les lecteurs, rassurés dans le même temps par la structure classique du récit.
La recette du succès, finalement, n’a rien de très… magique. Elle est presque trop simple. Au point qu’une bonne dizaine de maisons d’éditions ont, paraît-il, jeté à la corbeille le manuscrit du premier Harry Potter.
Crédit photo : Millivov Sherrigton / Flickr