" ... Je crois qu'on ne peut pas ne pas être lecteur et être conscient en tant qu'être humain ! Etre conscient veut dire être lecteur. Dans les cultures orales, par exemple, il y a
aussi lecture, lecture de ce qu' on entend raconter sur le monde. Je ne vois pas comment il serait possible de vivre dans le monde sans le lire, pour nous orienter mais aussi pour
savoir, ou avoir l'impression de savoir, qui nous sommes et où nous sommes... De la même façon nous lisons le paysage ( nous parlons de paysage accueillant, de paysage agressif ), nous lisons les
visages, les gestes, les constellations... Je te donne un exemple. Quand j'ai écrit Dernières nouvelles d'une terre abandonnée, je me suis rendu compte que pour écrire cette fiction,
j'avais besoin d'un portrait concret, en chair et en os , du personnage. Or, j'avais trouvé une photo parfaite... C'était la tête d'un homme qui ressemblait un peu à Philippe Sollers, un peu
souriant, un peu bonhomme, des yeux plissés. J'avais trouvé cette photo dans un journal et j'avais demandé à plusieurs amis ce qu'ils ressentaient devant cette photo. Ils ont presque tous vu
quelqu'un d'intellectuel et ausssi de très porté sur les autres, quelqu'un en qui ils feraient confiance, gentil, sensible... Sais tu de qui était ce portrait ? De Klaus Barbie...
Alberto Manguel. Extrait de Ca et 25 centimes, Conversations avec un ami Editions L'escampette
2009
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