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Par Antoine Fantin- Bscnews.fr / Ani Hamel met en scène Mila dans un spectacle réellement novateur croisant les faisceaux de l’art contemporain, de la chanson et de la danse pour éclairer sans éblouir nos 5 sens. Emotions inédites.
Et pourtant, la route était large, impeccablement tracée. Il suffisait de la suivre. Il suffisait de suivre les conseils, de suivre les exemples, de suivre le cursus : enregistrement, promo, concerts. Alors pourquoi décide t-elle de s’arrêter là pour suivre ce sentier, petit comme un pressentiment ?
CHANTER Trois ans après la sortie de Crazy Bubbles, un premier album très réussi qui la fit voyager en France, en Angleterre, aux Etats-Unis et au Japon, Mila vient d’enregistrer à Los Angeles son deuxième opus, Lights. Un album épuré, limpide, sensuel sur lequel elle a travaillé avec son ami le producteur Daniel Presley, et s’est entourée de musiciens prestigieux tels que Renato Neto (pianiste de Prince), John Leftwich, Bernie Dresel (Frank Sinatra, James Brown, etc.), Ricardo Silveira et Emmanuel Baroux. Le disque vient de sortir. C’est le temps de la « promo », et pourtant… Il y a des évidences qui deviennent brusquement des invraisemblances. Comme si la route large et impeccablement tracée s’avérait soudain être une laisse vous liant à un avenir que vous n’avez plus envie de suivre. Ou pas comme ça. Ou plus comme ça. Elle le comprend aujourd’hui, mais ça remonte à ce jour, il y a quelques années, alors qu’elle longeait les quais de la Seine…
PEINDRE Tout a basculé un jour disponible. Un jour où, passant devant la vitrine d’un magasin de Beaux-arts, elle s’arrête. Et regarde. A travers les encres, les pigments, les tubes de couleurs, ressurgissent les figures enfantines, poétiques, drôles et célestes des œuvres de Miro qui fut pour elle comme un premier « choc » alors qu’elle avait huit ans, un jour de lumière espagnole. Alors, elle entre dans la boutique. Et sans comprendre, c’est irrépressible, elle achète. Achète tout ce qu’elle peut. Achète comme on dévalise, comme on vole, comme on s’envole dans un jardin défendu ; celui, peut-être, très secret de sa mère qui a peint toute sa vie sans jamais chercher à exposer, presque en cachant son travail et que, petite fille, Mila allait en secret découvrir dans la cave. Pastels, encre de chine, papiers, elle achète sans trop réfléchir puis retourne chez elle s’enfermer. Et s’ouvrir. Mila peint, cherche, invente, expérimente. Avec boulimie. Comme par urgence. Elle peint un jour, une semaine, un mois. Cela fait aujourd’hui plus de six ans que cette liberté l’emporte et la transporte là où peu de peintres ont accepté d’aller : au delà de l’égo. « Le premier « 4 mains » est venu tout naturellement en accompagnant Mani, mon amoureux, sur une toile ». Une expérience bouleversante qu’ils vont reproduire aussi souvent que possible. « Peindre à deux sur un même espace, sur la même toile, c’est encore une fois repousser ses limites. Il faut se débarrasser de l’égo pour suivre la toile là où elle vous entraine. La peur, le désir, l’abandon de soi, toutes les émotions sont décuplées ! C’est extrêmement fort, parfois même chaotique, mais il faut le vivre jusqu’au bout, jusqu’à la délivrance qui est l’œuvre aboutie. »
« Peindre est lié à un tout ». Et change tout. Les structures « couplet, refrain, couplet, refrain » volent en éclat. S’imposent d’autres rythmes, s’installent d’autres silences, riment d’autres échos. Les musiques font naître des tableaux et les tableaux inspirent des musiques. L’un l’autre se prolongent et l’un sans l’autre, Mila ne le conçoit plus. C’est pourquoi est né ce désir, ce besoin, non pas de les réunir sur scène mais plutôt : de ne pas les désunir. Mais comment faire ?
QUAND MILA RENCONTRE ANI Paris, printemps 2010. Mila a rendez-vous avec Ani. Ani Hamel. Rien que ça. En deux lignes, on comprend déjà tout : plus de vingt ans de collaboration avec Robert Hossein, mise en scène d’Hélène Segara pour sa tournée mondiale, puis de nombreuses créations en France et à l’étranger avec des auteurs contemporains de renom. Mais, surtout, une envie : mêler le théâtre et la musique et la danse et les images et la peinture. Une demi-heure après qu’elles se soient serrées la main, elles se connaissent depuis toujours, parlent la même langue : c’est une véritable rencontre.
Pour Ani Hamel, le spectacle Mila Lights est un véritable défi. « Il est absolument novateur. Il n’y a pas de repère, pas d’influence. Il y a juste cette idée qui doit trouver sur scène sa concrétisation pour être accessible à tous. » Et probablement marquer le début d’une nouvelle forme de narration.
Un spectacle original, au sens propre du terme. Et l’origine, ce sont nos sens, nos 5 sens. Le goût, le toucher, la vue, l’ouïe et l’odorat. Revenir à la base et retrouver « l’essentiel ». Car à les entendre, Mila Lights est moins un pari artistique qu’une urgence dans notre société. « Actuellement, et bien que l’on redouble de moyens de communication, la société enferme chaque jour un peu plus l’individu dans sa case, dans son rôle, le refoule derrière des intermédiaires, des peurs, des codes, des statistiques. Alors que c’est dans la rencontre, l’échange et le partage que se libère notre lumière ».
Lumière. Lors de cette interview, c’est le mot qui revient toujours. « Ce qui m’inspire dans ce spectacle, c’est de réussir à tourner l’énergie autour de la lumière, de la rendre visible en chacun de nous. » explique Mila. Et autour de cette lumière, du mystère. « Le spectacle se déroule en deux parties, sur deux espaces différents. Le premier espace étant le prolongement du second. Ainsi le spectateur plonge directement dans l’univers artistique de Mila, dès l’instant où il traverse le seuil du théâtre. Puis le voyage continue dans la salle du spectacle illustré entièrement par des couleurs et des formes, rappelant l’univers pictural de Mila, sous forme de projection sur les murs, le plafond, les sièges, sous une lumière ambiante. Il découvre sur la scène une grande toile. Cette toile en cache une autre. Toute une série de toiles défilent comme par enchantement jusqu’au début du spectacle... »
Pour en connaître la suite il faudra être là le 15 décembre prochain ( 2010) au Palais des Congrès.