Franchement, je suis encore stupéfait que les propos de Roland Dumas, l'ancien président du Conseil Constitutionnel n'aient pas fait plus de bruit, parce qu'honnêtement, si ce qu'il dit est vrai nous avons affaire à un scandale d'état. Que dit-il ? Qu'en 1995, il y avait matière à ne pas valider les comptes de campagne de deux des principaux candidats à l'élection présidentielle, et que celle-ci aurait dû être invalidée. En gros, l'élection de Jacques Chirac ne serait pas valide.
Pour comprendre, je vais essayer de résumer le contexte qui amène les révélations de Roland Dumas. Tout cela part évidemment de l'affaire Karachi. Les juges semblent avoir définitivement laissé tomber la piste terroriste pour s'orienter sur celle de pots de vins non payés qui auraient fini par un attentat. La justice soupçonne en effet fortement que des rétrocommissions aient servi à financer en partie la campagne d'Edouard Balladur en 1995. Rappelons qu'il était premier ministre à cette époque, que son ministre du budget était Mr Sarkozy, lequel était aussi son porte-parole de campagne, difficile donc d'imaginer qu'il n'était pas au courant de telles transactions financières.
Pour l'instant, il n'existe aucune preuve matérielle de ces fameuses rétrocommissions, juste quelques témoignages de personnalités politiques à l'époque aux affaires, qui affirment avoir l'intime conviction qu'elles ont bien existées. C'est suffisant pour créer un scandale médiatique, pas suffisant pour mettre en accuation qui que ce soit.
Sur ce intervient Roland Dumas, président du Conseil Constitutionnel en 1995, qui déclare qu'il y a eu de gros débats au sein du Conseil pour valider les comptes de campagne d'Edouard Balladur, puisqu'il y avait une rentrée d'argent de 10 millions de Francs sans justification aucune. Une telle somme ne peut évidemment pas provenir de la vente de casquettes ou de stylos à l'effigie du candidat. D'où la suspiscion qui repart de plus belle, pour de nombreuses personnes, le lien étant facile à faire avec les fameuses rétrocommissions, et donc l'affaire Karachi.
Mais laissons tomber là cette histoire, car ce qui m'intéresse ici, c'est la suite des propos de Mr Roland Dumas. Selon lui, les comptes de Mr Balladur ont finalement été validés après des débats houleux, parce que sinon il aurait aussi fallu invalider ceux de Jacques Chirac, qui présentaient eux aussi certaines irrégularités. Autrement dit, si le Conseil Constitutionnel avait fait son devoir, les Français auraient du revoter en 1995. Avec deux candidats dont les comptes n'auraient pas été validés précédemment, la campagne changeait de nature et on se doute bien que le résultat final aurait pu être tout autre.
On voit bien en quoi les propos de Mr Dumas sont lourds de signification pour notre vie politique. Dans une période où, à juste titre, la défiance envers toutes les élites et de plus en plus forte, on découvre que l'instance suprême de notre pays, celle qui normalement doit être au-dessus de tous soupçons, cette instance refuse de prendre ses responsabilités et de ne faire valoir rien d'autre que la loi et le droit. On s'est bien gargarisé des Américains au moment de l'élection contestée de Mr Bush, et aujourd'hui on découvre que nous ne sommes pas mieux, que l'institution majeure de notre démocratie couvre les tricheries. Au nom de quels intérêts, on ne sait pas, mais certainement pas au nom de la démocratie.
Au final, tout cela est dégoûtant, et ne peut faire que le jeu du Front National. C'est bien Jean-Luc Mélenchon qui a raison : qu'ils s'en aillent tous !
Sur le sujet :
Le coucou de Claviers revient lui aussi sur cette affaire.
jef est lui aussi particulièrement dégoûté de l'affaire Karachi. Ce qui ne l'empêche pas de faire un bon jeu de mot.
Sur le web :
panier de crabes nous apprend que même les riches ne croient pas à la sortie de crise.
passion des livres a beaucoup aimé le dernier livre de Gonzalo M. Tavares.
tropicalboy fait lui aussi la promotion de l'idée de Cantona : que tout le monde retire son argent des banques le 7 décembre.