On a les débats inutiles qu’on peut. A Byzance, on dissertait sur le sexe des anges. A Paris on s’écharpe au sujet des notes. Tout ça ne nous rajeunit pas (je parle des notes, en dépit de mon grand âge, je n’étais pas né quand Constantinople est devenue Istamboul). Moi qui vous cause, j’ai assisté, avant même 1968, à des échanges sur le sujet dont si je n’ose prétendre qu’ils furent les premiers, j’affirme qu’ils étaient, à peu de chose près, identiques à ceux qui viennent d’encombrer radios, télé »et journaux. Je peux même ajouter qu’ils ont donné lieu à une branche particulière des sciences (molles) de l’éducation qui porte le joli nom de docimologie.
La remplacer par quoi au fait ? Des lettres ? Parce que si Kevin alignait les D, il serait moins complexé que s’il entassait les deux ? Exit donc les lettres et passons à autre chose : l’évaluation personnelle, idée à la fois généreuse et géniale qui consisterait à ne prendre en compte que les progrès réalisés par les élèves sans jamais les comparer entre eux. Ainsi, quand notre ami Kevin aurait, au bout de quatre années de dur labeur assimilé la conjugaison du verbe chanter au présent, cette performance serait considérée comme égalant celle de Louis-Germain qui, dans le même temps (mais vraisemblablement pas dans la même école) auraient appris à maîtriser les redoutables fantaisies des plus retors des verbes du troisième groupe.
Je sais, je caricature, mais c’est qu’il faut bien constater qu’il en est de l’éducation comme de la littérature. Les bons sentiments ne suffisent pas à produire de la qualité. Après quatre décennies et vingt réformes toutes plus modernes et bien intentionnées les unes que les autres, il y a aujourd’hui de moins en moins d’enfants issus des classes populaires dans ce qu’il est convenu d’appeler les filières d’excellence et les résultats obtenus par notre pays lors des évaluations (collectives) internationales sont de plus en plus mauvais. Très sincèrement, je ne pense pas que le nouveau mode de recrutement des maîtres qui supprime toute espèce de formation professionnelle, comme si le métier d’enseignant était le seul qu’on n’a pas besoin d’apprendre, arrangera les choses. Au regard de cette catastrophe annoncée, la question de savoir si l’on doit, ou non, supprimer les notes n’apparaît à peu près aussi sérieuse que celle qui agitait jadis les jurys du certificat d’études primaires, lorsque l’on se demandait si, dans l’hymne national, les candidats devaient chanter « un sang qu’impur » ou si l’on pouvait admettre « un sang himpur » . Une devinette pour finir :
Comment dit-on « rideau de fumée » en langage ministériel ?
Trop facile : on dit « débat de société »
Chambolle
(*) expression directement tirée du fatras en attente d’embarquement sur le porte-conteneurs évoqué plus haut)