Magazine
Ce matin sur la route du bureau, j’attendais au feu rouge. Il y en pas beaucoup, raison de plus pour les respecter. Sur le coin de la rue, il y a cet homme, début de la quarantaine et probablement au chômage comme tant d’autres, qui s’étire vers un filet d’eau qui descend de la toiture d’un immeuble. Il se lave les mains, récupère de l’eau dans ses deux mains pour se rafraîchir le visage, se remplit la bouche de l’eau qui tombe et se brosse les dents avec son index. Ils sont des milliers, des dizaines ou des centaines de milliers, à faire ce geste anodin tous les jours. En ville comme à la campagne, sur toutes les sources d’eau qui se pointent la goutte. Peu importe ce qui se passe en amont, qu’une femme ait vidé sa vessie, que la couche d’un timoun ait été nettoyée, … Pour un peuple qui évolue continuellement en regardant en amont de son histoire, c’est un beau paradoxe. C’est le lot des pays pauvres, des conditions de vie qui offrent un terrain fertile à la transmission de féco-orale. Pas besoin de dessin ... ? On parle du choléra maintenant parce que la crise en est à ses premières poussées et qu’elle est foudroyante, mais les haïtiens confrontent beaucoup d’autres maladies de cette nature. Il y a bien de ces enfants de ce pays qui sont morts de déshydratation et qui vont continuer d’en mourir, des maladies technologiquement si facilement à éradiquer. Faire entrer de l’eau propre dans une maison et s’assurer que l’eau sale en sorte, aussi simplement que ça. Les ingénieurs civils sont des sauveurs. Avant la sortie du choléra, on avait vu depuis dans la dernière année des jeunes mourir de la typhoïde. Le retour d’une maladie que les médecins croyaient enrayés depuis plusieurs années. ‘On n’avance pas, on recule’ m’avait dit un collègue pédiatre suite au décès d’un jeune de 8 ans. Le choléra vient donc s’agglomérer à une série d’autres maladies qui se propagent par l’incapacité à gérer les eaux sales et les eaux propres. Aussi simplement que ça.