A qui pensait François Fillon l’autre jour à l’Assemblée Nationale, lors de son discours de politique générale, en citant feu Charles Péguy, grand écrivain calotin, qu’on tire du sépulcre comme on présente un alibi au juge : « le triomphe de la démagogie est passager mais les ruines sont éternelles » ? J’aime ces rappels littéraires que certains politiques font pour étoffer la vacuité de la fonction et aseptiser une assemblée saisie d’admiration devant le vernis culturel. A qui pensait-il en citant cette phrase de Péguy ? A son maître de l’Elysée ? Vrai qu’en matière de démagogie et de ruines, Mínimus mérite amplement… les palmes académiques.
Depuis que le bruit d’un possible destin national le concernant s’est fait jour dans une partie de la majorité, certains l’envoyant carrément à l’Elysée à la place de Mínimus – pourquoi pas, après tout il est difficile de faire pire -- Hercule Fillon ne cesse de gonfler le torse devant son miroir. Une musculature saillante émergeant d’un corps flasque se dessine. Pris d’assurance, il s’entraine à la pratique du je et du nous avec presque de l’audace. Timide, cependant, il passe beaucoup de temps à mesurer le dosage. Un travail de patience. La patience, il connait. Amateur de courses automobiles, ce fou de volant, donne quand même l’impression d’être à la politique, malgré ses nouveaux habits, ce que feu Jean Alesi était à la Formule 1.
Dans son discours à l’assemblée, l’utilisation du je a été remarquée par des pinailleurs ès politique. Une vingtaine de fois, Fillon a utilisé la première personne du singulier. 16 exactement, selon France Soir. Le fait est assez rare pour qu’on s’en saisisse comme d’un fait… singulier chez un homme qui aura passé plus de trois ans à jouer le rôle de Premier ministre. Un rôle de décomposition. Rendons-lui ce qui lui revient de droit. Sa présence à la tribune contraste avec le style grimaçant de son supérieur immédiat. Un point pour lui. Joueur prudent, Hercule Fillon, avance ses pions avec la cautèle d’un renard soudain surpris par la lumière.
Pour le reste, rien de nouveau, virages et circonvolutions. Six chantiers pour un objectif : permettre à Mínimus de retrouver une allure présentable pour le rendez-vous de 2012. Ça va être un drôle de chantier, le plus gros du quinquennat, je pense. Pour y parvenir, plusieurs points forts. Le bouclier fiscal étant un sujet porteur, il s’y attaque sans complexe ni honte. Cette mesure phare en son temps, n’a plus les grâces du gouvernement. On se demande bien pourquoi. Après avoir garni les caisses de tous les Bettencourt du pays, on verrouille et on passe à autre chose, en précisant « qu’il n’y aura pas de hausse d’impôts », se dépêchant de souligner tout de même qu’il n’y aura pas de « baisse à espérer » non plus.
Pendant ce temps, pas un mot sur le gel des salaires, même si, depuis deux ans au moins deux tiers des salariés n’ont pas été augmentés, alors que les produits de première nécessité font la grimpette sans discontinuer. A cela, Hercule Fillon oppose sans rougir la « vertu budgétaire ».
Ah, la vertu ! Ceux qui s’y attachent sont souvent ceux qui s’apprêtent à balancer un mensonge à la face de la nation. Un exemple ? Affirmer qu’il va ramener le déficit du PIB (7,7%) à 3% en 2013. Soit, il sait qu’à cette date il ne sera plus là pour s’expliquer et il s’en fout des promesses qu’il fait aujourd’hui, soit, il est toujours là et il s’en fout aussi. Tout ça pour nous expliquer que nous allons devoir nous serrer la brioche.
Le reste du programme ?… Le démantèlement des institutions par une « droite décomplexée » au service de la bande du Fouquet’s.