Vendredi 19 novembre, à Lisbonne, Nicolas Sarkozy répond aux questions de quelques journalistes. Interrogé sur l'attentat de Karachi, il relève quelques inexactitudes trouvées à son sujet dans des journaux puis tente de démonter certaines accusations portées contre lui. Il s'amuse ensuite à déclarer " il semblerait que vous soyez pédophile " pour inciter les journalistes à mieux enquêter, avant de terminer sur un " Amis pédophiles, à demain ! " du goût le plus exquis.
Cette rencontre était " off ", qualificatif tirée de l'expression anglaise " off the record ", c'est-à-dire non destinée à être rapportée. Mais des éléments en ont été cités, avant que son enregistrement et pour finir son verbatim ne soient publiés. Le Président serait en droit de considérer le procédé comme déloyal, s'il ne lui était pas déjà arrivé d'utiliser des entretiens de cette nature pour faire passer certains messages. Quel est d'ailleurs l'intérêt de prodiguer des confidences si elles doivent rester tues, surtout quand elles sont faites à des personnes dont le métier est d'informer ? Ceux qui en bénéficient se sentent reconnus et peuvent être enclins à davantage d'indulgence envers un orateur si bienveillant, si accessible et si familier. Sont-ils conscients du fait que leur interlocuteur tient surtout à établir avec eux une sorte de complicité et espère voir ces révélations affleurer dans leurs commentaires et les orienter ? Les rires complaisants qui accueillent l'injurieuse adresse aux prétendus pédophiles laissent craindre qu'une connivence a bien été établie.
Ce compte-rendu témoigne une fois de plus des difficultés que le premier personnage de l'Etat éprouve à se maîtriser. Après le " casse-toi, pov'con !" du Salon de l'Agriculture, le " Ben descends un peu le dire, descends un peu !" du Guilvinec, où Nicolas Sarkozy s'adressait à des gens du peuple, on l'a vu à Lisbonne traiter cavalièrement le Président roumain, Traian Basescu. Ce comportement est d'autant moins acceptable que, lors du débat télévisé qui, le 2 mai 2007, avait opposé Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal, on avait pu entendre ceci :
Nicolas Sarkozy : Pour être Président de la République, il faut être calme. [ ...] Je ne sais pas pourquoi Mme Royale, d'habitude calme, a perdu ses nerfs [...] Je ne sais pas pourquoi Mme Royal s'énerve. [ ...]
Ségolène Royal : J'ai beaucoup de sang-froid. Je ne suis jamais énervée...
Nicolas Sarkozy : Vous venez de le perdre. [ ...]. Mais au moins on aura vu que vous vous mettez en colère bien facilement, vous sortez de vos gonds. Le Président de la République a des responsabilités lourdes, très lourdes ".
A ce propos, le 23 novembre sur RTL, le Ministre d'Etat en charge de la défense (de Nicolas Sarkozy) a déclaré à Jean-Michel Apathie : " Je voudrais simplement dire que le Président est soumis à une telle pression médiatique que, de temps en temps, voilà, tout être humain est humain ". Il est vrai qu'il n'est pas toujours donné au Président de recevoir sous les ors de son palais des journalistes bien policés, incapables de répondre coup pour coup aux agressions présidentielles. Mais parler de pression médiatique à propos d'un homme expert dans le contrôle et la manipulation des médias est plutôt aventureux.
Quant à l'humanité du Président, elle me semble problématique chez un être aspirant à manier le croc de boucher. Je le perçois plutôt comme un mâle, du genre mâle dominant, qui entend se réserver toutes les riessources de sa harde. Dans le même ordre d'idées, on entend souvent dire : " après tout, ce n'est qu'un homme, un homme comme les autres ". Eh bien, non ! Nous n'avons que faire de lui s'il n'est qu'un homme comme les autres. Lui-même n'accepterait pas qu'on le considère comme les autres, en quoi, comme chacun d'entre nous, il a parfaitement raison. Il s'imagine plutôt au-dessus de tous les autres, ne prenant conseil de personne, et oubliant de suivre les recommandations qu'il prodiguait si généreusement à l'infortunée Ségolène.
Nicolas Sarkozy n'est pas un homme comme les autres parce qu'il a la possibilité de déclencher l'apocalypse nucléaire. Cette puissance implique une parfaite maîtrise de soi. Nous sommes hélas en présence d'un potentiel Docteur Folamour.