Les grands-mères; Doris Lessing

Par Sylvielectures
Doris Lessing écrit à propos des grands-mères : "Prenez 'Les Grands-mères', cette histoire de deux amies, chacune ayant une liaison amoureuse avec le fils de l'autre. On y a vu mon goût de la provocation. Je me suis inspirée du récit que m'avait fait un ami d'un des deux jeunes hommes. C'était vrai, ces amours improbables et nécessairement contrariées. Je ne peux pas imaginer qu'un écrivain, entendant cela, renonce à se saisir d'un tel sujet."

« La beauté des jeunes gens, bon, ce n’est pas si simple…Il y a un âge, un âge éphémère, vers seize, dix-sept ans, où ils ont une aura poétique. On dirait de jeunes dieux. Il arrive que leur famille ou leurs amis soient intimidés par ces êtres qui ont l’air de visiteurs venus d’une atmosphère plus pure. Ils n’en ont souvent pas conscience, se faisant davantage l’effet de paquets mal ficelés qu’ils essaient d’empêcher de se défaire. »
J'ai beaucoup aimé ce court roman, qui je pense est plutôt à ranger dans les nouvelles, il est d'ailleurs initialement paru dans un recueil.
Je fais partie des enthousiastes parce que c'est avec brio que ces quelques lignes nous proposent un excellent exercice de style autour du montré/caché, non-dits/révélations.
Tout nous décrit l'apparence lisse et éclatante de deux femmes belles, brillantes, intelligentes, heureuses, épanouies dans leur travail et leur vie personnelle. Leur bonheur est construit autour de plaisirs simples de gens de classe sociale très privilégiée : maisons au bord de l'eau, plage où elles passent leur temps à bronzer, nager, et regarder leur famille grandir.
La serveuse du bar à la mode où ces grands mères encore belles sirotent leurs verres accompagnées de leurs fils et de leurs petites filles est subjuguée par le rayonnement que ces êtres dégagent :
"Elle avait été amoureuse de Tom, et puis de Ian, puis de nouveau de Tom, pour leur beauté, leur aisance, et quelque chose de plus, un air comblé, comme s'ils avaient baigné toute leur vie dans un plaisir qui s'exprimait à présent sous forme d'ondes invisibles de contentement....
....Ce qui emplissait ses yeux de larmes, c'était de les voir tous là, de les regarder, comme en ce moment....
...Elle rêvait à cette décontraction physique, à ce calme qui s'exprimait en mouvements nonchalants, à ces longs bras et ces longues jambes hâlés, et au reflet des têtes d'un blond doré au soleil...."
Et voilà qu'elle assiste à l'arrivée d'une des belles filles, en rage.
La rage de cette mère qui vient récupérer sa fille pour ne plus jamais revenir va nous être expliquée.
On aura l'occasion de lever le voile et de découvrir ce qui se cache derrière ce bien être apparent, ce bonheur de carte postale affiché.
C'est une drôle d'histoire, vécue par de drôles de dames.
Flirtant avec les tabous de la sexualité féminine, comme l'homosexualité et l'inceste mères/fils, ce texte nous raconte une histoire incroyable où des femmes, en prise avec ces versants cachés de leur libido, construisent un scénario acceptable pour la société : amies de toujours, elles cultivent une relation exclusive qui évincera les maris, puis, restées seules avec leurs fils, chacune vivra une relation amoureuse avec le fils de l'autre... Ces jumelles étranges et un peu effrayantes sont, sous la plume de Doris Lessing plus vraies que nature...
Destructrices et manipulatrices elles font souffrir leur entourage avec élégance mais de manière implacable.

Des critiques mitigée sur passion des livres, Jules se livre, Roman maniaqueriee d’une lectrice
des admiratives sur Le Courrier (de Danielle Pitteloud), Bibliothéca, Club des rats de biblio-net avec les avis d’Elfe et de InaudibleAdeline,
des avis également très partagés sur critiques libres
A noter un article intéressant sur La vieillesse dans les romans de Doris Lessing, sur Le Prix Chronos de littérature.
Antigone a aimé,
Le fait que Doris Lessing soit Nobellisée et que l'on trouve ce petit livre en tas partout, ainsi que la ferveur du billet de stéphanie, m'ont convaincue de le lire!