Il n’y a que lui qui croit en ses chances pour l’élection présidentielle. Il n’a jamais été membre du gouvernement et pourtant, il a dirigé le Parti
socialiste avec un certain talent. Les Français commenceraient-ils à mieux le connaître ? « J'essaie de faire le clair ».
Attention, sondages !
Inutile de répéter que ces sondages, qui vont maintenant se multiplier à bientôt un an de l’élection présidentielle, n’apportent pas une "prédiction" mais seulement une tendance sur une photographie de l’opinion. Nous pouvons ainsi rappeler que la percée de François Bayrou n’était pas visible avant février 2007 au même titre que l’effondrement d’Édouard Balladur ne s’est réalisé qu’en février 1995. Ségolène Royal avait été choisie par les militants socialistes en novembre 2006 surtout parce qu’elle aurait été la plus apte à battre Nicolas Sarkozy dans un second tour.
Renforçant ces généralités, l’incertitude sur l’identité du candidat socialiste rend les prévisions encore plus difficiles, même si aujourd’hui encore, Dominique Strauss-Kahn apparaît comme "le sauveur" d’une gauche sans programme et sans cohérence politique entre son aile libéralisante et son aile gauchisante et au milieu d’une pléthore de seconds couteaux pressés d’en découdre. Martine Aubry, qui semble avoir autant d’état d’âme que son père pour se lancer dans la bataille présidentielle, a même retardé la procédure de la primaire des socialistes pour permettre à DSK de sortir du bois (et du FMI) le plus tardivement possible.
Bientôt, un nouvel homme dans le "jeu" ?
Si, dans ces sondages, il commence à exister un élément assez constant sur le Front national (autour de 12-14% pour Marine Le Pen), il y a un nouvel élément qu’il s’agirait de prendre en compte.
En effet, les deux instituts de sondages cités ont testé quatre hypothèses de candidat socialiste pour un second tour face à Nicolas Sarkozy : Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Ségolène Royal… et aussi François Hollande.
Et la grande surprise, c’est que François Hollande battrait Nicolas Sarkozy avec un score non négligeable, 55% contre 45%. Comparativement, il ferait évidemment moins bien que Dominique Strauss-Kahn qui dépasserait le seuil des 60%, mais il ferait jeu égal avec Martine Aubry et surtout, il dépasserait son ancienne compagne Ségolène Royal, elle qui fut, il y a cinq ans, la reine des sondages.
Dans un premier tour, François Hollande ferait jeu égal avec Ségolène Royal, avec près de dix pourcents de moins que Dominique Strauss-Kahn (et donc, avec risque d’un remake du 21 avril 2002), mais sa performance pour le second tour doit, à mon avis, être prise au sérieux.
Car François Hollande, à l’humour déraisonnable à tel point que "Flamby" a du mal à se mouvoir dans la cour des grands, n’est pas beaucoup connu des gens, mais reste aujourd’hui le seul "éléphant" du Parti socialiste à proposer un programme présidentiel, avec une cohérence et une indépendance qui sont d’autant plus apparentes que ses camarades socialistes ne tiennent pas un discours politique très lisible à part la promotion d’un anti-sarkozysme primaire. François Hollande, d’ailleurs, est le premier à s’attaquer à cet anti-sarkozysme qui, selon lui, entraînerait le PS à un nouvel échec présidentiel, qui serait le quatrième consécutif depuis 1995.
Détesté par peu de monde…
Le haut score de Dominique Strauss-Kahn dans les sondages est un phénomène assez classique pour les candidats "centristes", "centristes" dans le sens "se plaçant au centre de l’échiquier politique". Dominique Strauss-Kahn jouit d’une grande estime de la part d’un électorat qui lui est politiquement opposé. Dans le passé, d’autres personnalités ont bénéficié de cette estime du "camp opposé" : Simone Veil (appréciée à gauche notamment pour sa loi sur l'IVG), Raymond Barre (apprécié aussi à gauche pour sa modération), François Bayrou (apprécié lui aussi à gauche pour son discours sur l'impartialité de l'État) ou encore Jacques Delors (apprécié à droite pour son réalisme économique). Or, souvent, au moment de voter, les électeurs ont l’habitude de revenir à leur "camp" d’origine, un réflexe qui anéantit régulièrement les chances d’une troisième voie.
Et c’est assez visible dans les analyses de transferts de vote entre le premier et le second tour puisque François Hollande réussirait à convaincre à la fois les électeurs de candidats plus à gauche que lui et des candidats du centre droit.
Tout cela va évidemment évoluer d’autant plus qu’une précampagne présidentielle est toujours dynamique.
Hollande a quelques atouts malgré sa "solitude"
François Hollande sait qu’il aura encore beaucoup de chemin pour acquérir une crédibilité présidentielle, mais il peut néanmoins jouer sur l’antithèse de la pratique institutionnelle de Nicolas Sarkozy : lui serait le "Président modeste", jouant collectif et attentif à la concertation.
Son handicap de n’être jamais allé "au charbon" dans un gouvernement, c’est finalement un élément aussi de nouveauté. Cela fera dix ans que les socialistes ont été écartés du pouvoir et une nouvelle génération prend la relève. Les François Rebsamen, Jean-Marc Ayrault, Gérard Collomb, Bertrand Delanoë, Manuel Valls, Julien Dray, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Vincent Peillon, Harlem Désir etc. non plus n'ont jamais été membres du gouvernement. Cela n’empêche pas qu’ils peuvent porter un message politique fort qui puisse être entendu des Français.
De plus, la virginité ministérielle de François Hollande est largement compensée par ses onze années de chef de parti gouvernemental, cherchant à apporter un consensus tant dans son camp qu’en externe. Et c’est aussi là un élément qui le distingue de ses rivaux : François Hollande a une grande capacité de synthèse et de consensus et la période actuelle de crise à la fois économique et morale nécessite un pouvoir capable d'écouter et de réunir le peuple. Ce trait de personnalité de François Hollande se prête bien à l’époque actuelle.
Reprenant également le thème présidentiel de François Bayrou de 2007, François Hollande est très insistant sur la politique fiscale et sur l’endettement déraisonnable de l’État (près de trente mille euros par Français). En cela, il se focalise sur le seul sujet qui devrait être débattu en 2012 : comment désendetter la France sans paupériser le pays ?
Sa bonne connaissance du Parti socialiste lui apportera sans doute le réseau de soutiens dont il aura besoin localement : des personnalités comme François Rebsamen à Dijon ou André Vallini à Grenoble semblent croire au sérieux de sa démarche.
Très bon observateur de la vie politique, François Hollande est sans doute le socialiste qui a le mieux compris comment éviter les erreurs du PS en 2007 : d’une part, en refusant l’anti-sarkozysme qui risque d’appauvrir le discours politique et surtout qui risque de montrer la vacuité des propositions socialistes (le projet compte plus que le bilan, Lionel Jospin l’a compris à ses dépens), d’autre part, en contestant vigoureusement (c’est le seul à vraiment contester) le calendrier que s’est fixé le PS pour choisir son candidat.
Un calendrier socialiste suicidaire
En maintenant la fin de la primaire à fin 2011, Martine Aubry réitère la même erreur qu’en 2006 : alors que justement, aucun leadership n’est indiscutable au sein du PS (au contraire de l’UMP), il aurait fallu pour le candidat choisi toute l’année 2011 pour montrer son autorité et faire oublier les inévitables querelles internes. Au lieu de cela, ce candidat n’aura que quelques semaines pour définir sa campagne, rendre cohérent son discours et mettre ses militants en ordre de bataille… un amateurisme qui avait fait perdre à Ségolène Royal plusieurs précieuses semaines de campagne en début 2007.
Alors qu'un accord semblerait s'être dégagé entre Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Laurent Fabius et Ségolène Royal pour présenter un candidat commun à la primaire (selon Martine Aubry sur France 2 le 24 novembre 2010), plusieurs socialistes "locaux" (Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Gérard Collomb qui l'a confirmé sur LCP le 24 novembre 2010 en cas de renoncement de DSK) voudraient, eux aussi, s'engager dans la bataille. De son côté, François Hollande a réaffirmé sur France 3 le 24 novembre 2010 le besoin, pour le PS, de ne pas s'improviser candidat : « Je dis (...) à tous ceux qui peuvent être tentés [de] prendre cette lourde responsabilité de la conduite du pays, il faut penser qu'une élection présidentielle n'est pas une improvisation. (...) Les socialistes sont rassemblés dans la préparation de 2012 parce que c'est la condition pour gagner. Après, nous avons des discussions. ».
Se voulant posé, il a déclaré : « Je me prépare pour être, le moment venu, candidat, mais je ne précipite pas les choses. J'essaie de faire le clair parce que c'est quand même une grande question de savoir si nous disposons, si je dispose de la capacité, de la crédibilité, de l'engagement nécessaire. (...) Je fais en sorte de construire ce moment-là. ».
Même si, tactiquement, il ne mêle pas aujourd'hui sa voix à ceux qui préconisent l'accélération du calendrier, François Hollande voudrait cependant que tout soit déterminé avant l'été 2011 : un programme avec des priorités fortes, un candidat qui puisse être vu comme tel, et une stratégie pour engager une alliance parlementaire avec les écologistes...
Hollande, l’anti-homme providentiel
Ne dédaignant pas les bon sondages, il sait, par expérience, qu'ils ne sont pas un pronostic : « C'est encourageant ces sondages pour ceux annoncés comme pouvant gagner largement. Mais je suis lucide. Ce ne sont pas les sondages qui vont faire l'élection. (...) Une élection présidentielle, ça se prépare, ça s'organise, ça se construit, un suffrage, ça se mérite. » dit-il surtout à destination de Dominique Strauss-Kahn, très absent de la scène nationale depuis 2007 avec la prise de ses fonctions de directeur général du FMI.
Imperturbable, François Hollande croit en sa bonne étoile. L’allure sympathique et rondouillard du personnage a déjà démontré qu’il était à l’aise dans les campagnes électorales (au contraire de Dominique Strauss-Kahn) et qu’il savait se faire apprécier.
À force d’être enfermés dans une sorte triangle infernal Strauss-Kahn/Aubry/Royal, les sympathisants de gauche pourraient bien être tentés d’aller chercher celui qui serait un gage d’un réel renouvellement des générations.
Et ce ne serait que bénéfice pour toute la classe politique.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (25 novembre 2010)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Lui aussi se rase.
Petit pas pour l'élection présidentielle ("Les Échos" du 24 novembre 2010).
Sondages prometteurs pour François Hollande (à télécharger).