bonné à la liste « vulgarisation » de l’ENS, je reçois parfois des informations, dont celle ci, qu’il m’est bien agréable de commenter, de critiquer. sans oublier de regarder ce qui plaît aux scientifiques, voire à ceui qui a envoyé cette info sur la liste, de conjecturer ses motivations, etc.
Pour le coup, il s’agit du texte d’une conférence donnée par Richard Feynman (http://pagesperso-orange.fr/scmsa/feynman.htm). Ce dernier parle d’un de ses principaux sujets de réflexion : ce que sont les sciences et ce qu’elles ne sont pas. On devrait sûrement se poser ce genre de réflexion le plus souvent possible.
Feynman est un des chercheurs les plus honnêtes pour parler de l’histoire des sciences, des concepts scientifiques, de ce qui le regarde. Erreurs, malhonnêtetés, oublis, plans de carrière, études et étudiants mal formés, il y a beaucoup de choses qui font une mauvaise science. Dans cette conférence, il cite l’histoire de la mesure de la charge de l’électron qui fut très bonne en première (sous-)évaluation par Millikan, mais qui prit ensuite du temps pour que sa valeur finale soit définie. Tout cela à cause … des physiciens eux-mêmes.
Selon Richard Feynman, ce qui fait le bon scientifique est avant tout l’honnêteté. Et là …, comment dire ? Mon scepticisme est mis à l’épreuve. Pourquoi un scientifique devrait-il être plus honnête qu’un autre ? Il s’agirait là d’une religion laïque à laquelle tout scientifique devrait obéir ? Pourquoi devrait-il y avoir des qualités intrinsèques aux scientifiques eux-mêmes, au travail scientifique ? Après tout, on demande au comptable d’être honnête, au boulanger d’être honnête, au trader d’être honnête … S’il ne l’est pas, son travail évoluera vers des penchants qu’on peut ne pas apprécier ! Et surtout, on crée des instances professionnelles dans chaque profession, dans chaque discipline, pour que, si la malhonnêteté prévaut, on tente de la réduire. Normalement, le système des referees, arbitres des ouvrages et journaux dans lesquels les scientifiques publient leurs découvertes, devrait permettre de régler au mieux cette supposée honnêteté.
En lisant cette conférence, on a l’impression que le Graal des scientifiques est là : tendre vers la vérité, décrire la réalité. Peut-être est-ce désagréable à entendre et être répété encore, mais les découvertes scientifiques sont avant tout des représentations humaines qui décrivent la réalité. Elles ne s’y substituent jamais. D’ailleurs, Feynman n’oublie pas cela en disant que ce qui fait de la bonne science, c’est une belle expérimentation, qui est bien et totalement décrite, bien conçue (c’est à dire en faisant des comparaisons rendant indiscutable le résultat), et même là, se donner la possibilité de discuter la véracité de ce qui est proposer, de façon la plus honnête possible. Ne jamais faire d’expérience en attendant tel résultat plutôt que tel autre, rester d’une certaine façon innocent face à la découverte. Je reste sceptique, et le Graal est toujours là : si on est suffisamment honnête, on touchera la réalité.
Feynman mentionne également la nécessité pour une science d’avoir des applications accessibles et utilisables, et doivent être facteur d’un progrès rapidement et facilement utilisable. Il le mentionne dans le cadre de la vulgarisation : quand on vulgarise, on se doit en tant que scientifique proposer des applications, car le « Grand Public », c’est aussi le politique, le bailleur de fonds, le potentiel donneur aux associations permettant le financement des sciences. Or, Feynman prend l’exemple de la cosmologie, les applications ne permettent pas forcément de générer des applications faciles et rapides, utilisables par tout un chacun. Comme si (publication de cette conférence en 1985) vulgarisation et techno-science ne faisaient qu’un, comme si elles se donnaient la main pour réaliser de grandes choses. Comme si cette science qui serait si simple qu’elle en deviendrait si vraie serait alors accessible à tous.
J’ai été de nombreuses années un fan de Feynman. A la relecture, ça a pris un coup de vieux. A moins que ce ne soit moi …