ELIANE RADIGUE,
EGERIE ELECTRONIQUE
Eliane Radigue et certainement l'une des artistes contemporaine française des plus aventurière, exploratrice de terrains inouïe, personnalité hors-norme, si ce n'est qu'elle est tès peu connue et reconnue dans son propre pays, et commence tout juste à être découverte par nombre de personnes gravitant dans les sphères musique contemporaine, arts sonores.
C'est pourquoi je fais suivre ici un article du magazine Vogue qui lui est consacré, ils ne sont pas légion.
Emancipée, indépendante et inclassable, Eliane Radigue nous inspire : Pionnière de la musique électronique en France, cette dame, qui a été mariée au sculpteur Arman et sculpte la matière sonore depuis plus de 50 ans, diffusera une de ses grandes œuvres au Palais de Tokyo vendredi 26 novembre. On y court !
« Il y a une certaine musique que j'avais envie de faire. C'était celle-là et pas une autre » :
c’est par ces mots lyriques qu’Eliane Radigue, pionnière méconnue de la musique électronique française, définit l’art sonore qu’elle pratique obsessionnellement depuis plus de 50 ans. Soit de
longs déploiements de fréquences électroniques sculptées (les fameux « bourdons » ou « drones), superposées et polies à la milliseconde près puis structurées à l’aide d’un simple
chronomètre, dans le but avoué d’influencer le corps et l’esprit de l’auditeur, de précipiter un autre temps particulier dans l’espace du temps normal.
Émancipée et inclassable, cette fille de marchands des Halles née en 1932 a ainsi traversé les époques, les écoles et les
pays avec cette seule idée en tête : celle d’une musique à la fois totale et infiniment discrète, quitte à trahir les normes de l’avant-garde officielle. Etudiante dans les années 50 au
mythique Studio d’essai de la RTF sous la supervision de Pierre Schaeffer puis assistante, dix ans plus tard, de Pierre Henry dans son studio, elle fut rejetée avec véhémence par ses deux
mentors qui confondirent probablement la nature sensible et lancinante de sa musique avec du simplisme. Grossière erreur de jugement de la part des Pères de la musique concrète: échappée
quelques années plus tard à l’Université américaine de NYU « parce qu’à Paris, il n’y avait pas de synthétiseur », ses ruissellements minimalistes et processionnels
trouvèrent naturellement leur place aux côtés des œuvres jusqu’au-boutistes des compositeurs minimalistes LaMonte Young, Alvin Lucier ou Pauline Oliveros. Ainsi que leur essence:
approchée en 1974 par des étudiants français qui lui demandèrent si elle était bien consciente que sa musique n’était pas seulement « créée par elle », elle se convertit au
bouddhisme tibétain et partit trois ans en retraite sous la supervision du lama Nenang Pawo Rinpoche.
Tout son oeuvre ultérieure est ainsi comme transfigurée par son sujet: Songs of Milarepa retrace la vie du grand
yogi tibétain et laTrilogiede la mort est une évocation colossale du Bardo Thödol (le Livre tibétain des morts) inspirée par la disparition
tragique de son fils, le collectionneur d’art Yves Arman (fruit de son mariage avec l’artiste Arman, entre 1953 et 1969). Loin des clichés hippie ou de la musique new-age, Eliane Radigue ne
s’éloigne pourtant jamais du son électronique le plus pur (le son même de l’électricité). Si ses bourdons empreints de spiritualité sont poétiques et émouvants, c’est dans les effets
lancinants, à la limite de la sorcellerie, qu’ils provoquent sur la peau et dans le creux de l’oreille, à travers l’espace et le temps.
Alors qu’elle se consacre désormais à des œuvres acoustiques (Naldjorlak I, II et III, pour
violoncelle et cors de basset), Eliane Radigue n’en finit plus d’être réhabilitée et redécouverte, notamment via une merveilleuse pagaille de rééditions, et elle collabore à l’occasion avec les
Lappetites, groupe électronique à géométrie variable et 100% féminin. Un modèle d’indépendance ? Dans la galaxie inattendue des aventurières de la musique électronique (citons également
les Britanniques Daphne Oram et Delia Derbyshire ou les Américaines Laurie Spiegel et Pauline Oliveros), elle nous apparaît certainement avec le recul comme la plus opiniâtre, la plus entière…
et la plus émouvante.
Dans le cadre du festival itinérant Infamous Carousel et de l’exposition Fresh Hell, Eliane Radigue proposera ce vendredi 26 novembre une diffusion de Adnos II (1979), exactement trente ans après sa création. Rendez-vous à l’auditorium du Palais de Tokyo, à 19h30. Réservation obligatoire, dans la limite des places disponibles : [email protected]
Voir un portrait de la compositrice, produit par l’Institute of Media Technology.
Ecouter un extrait de Adnos I
Voir un entretien avec sa fille Marion Moreau au sujet du livre Elianarman, Bye Bye ma muse, sur la relation entre Eliane Radigue et l’artiste Arman.
Olivier Lamm