Un Caravage pasolinien

Publié le 24 novembre 2010 par Les Lettres Françaises

Un Caravage pasolinien

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Ce n’est pas une étude vertigineuse d’érudition comme celle de Maurizio Calvesi (inédite en français), ni une vie décrite avec pertinence, précision et méthode comme l’a fait Gérard-Julien Salvy (coll. « Biographies », Folio). C’est l’histoire d’un homme hors du commun narrée avec fougue et avec l’idée d’en faire notre contemporain. Michel Nuridsany ne compare-t-il pas au début son destin avec celui de Rimbaud ? Sa raison d’être ? Deux découvertes récentes : celle des origines de Caravage, qui n’est pas né à Caravaggio, mais à Milan, ensuite la confirmation que les restes retrouvés à Porto Ercole sont bien les siens grâce à une analyse génétique. La science et la fortune sont venues au secours de l’histoire. C’est aussi le 400e anniversaire de sa mort.

C’est un livre écrit en partie comme un essai et en partie comme un roman. L’auteur a conservé de lui son image de mauvais garçon, batailleur et violent, indomptable et imprévisible. Il en fait même une figure pasolinienne (sans pour autant en faire un homosexuel débauché, faute de documents formels). Soit. Mais le plus important ici est qu’il nous restitue la singularité du peintre, sa puissance, son inventivité. Il a aussi le talent de savoir le replacer dans son époque – une époque troublée et difficile pour l’Italie, morcelée en petits États et toujours menacée par les puissances étrangères, et pour l’Église, qui doit faire front aux coups de boutoir de la Réforme. Le Caravage qu’il campe sous nos yeux n’est pas une caricature ou une pure fiction. C’est un individu hanté par la peinture et qui ne vit au fond que pour et par elle, quelles que furent ses passions et ses folies.

En somme, c’est un livre vivant, prenant, rigoureux (l’auteur a vérifié ses sources), intense, qui nous fait aimer l’artiste et les produits de son art sans trop de mythologie et sans trop d’excès laudatifs.

Justine Lacoste

Caravage, de Michel Nuridsany. Éditions Flammarion, coll. « Grandes biographies », 386 pages, 25 euros.

Novembre 2010 – N°76