Crise ou pas crise, ça ne fera pas le buzz, la Une, à croire que tout le monde s’en tape le coquillard.
A commencer par les employeurs.
Peu importe que vous soyez, à l’origine, licencié économique, victime d’un plan dit de restructuration, non-reconduit suite à un CDD (ou le fin du fin : un CDDU) démissionnaire ou viré pour faute, le résultat est le même : vous voilà sur le carreau, exclu, en dehors, out !
Peu importe, itou, ce que l’on pense d’un chômeur, on l’a assez entendu, ça va de feignasse à profiteur, quand ce n’est pas fraudeur, même qu’on se demande s’il l’aurait pas un peu cherché, dites, sans oublier le sempiternel : « Du travail, y’en a ! » … Oh ! certes, crise aidant, ce dernier argument bat comme de l’aile, encore que, je puis vous assurer que dans certains Cafés du Commerce, il conserve une meilleure cote que le pire canasson dans la troisième à Chantilly.
Il est à noter, cependant, que ceusses qui bavent sur les chômeurs n’ont jamais connu L’ANPE et les ASSEDIC ni son présumé rutilant successeur, Pôle Emploi.
Ils ne savent pas de quoi ils parlent.
Mais là n’est pas mon propos. Tout comme je ne tenterai pas d’établir un profil-type du chômeur, tant, c’est vrai, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne. Ni même de vous décrire ce qu’il endure, par où il passe, et ce qu’il accepte. Mais quand bien même : le parcours, lui, sans donner dans Le Couperet de Costa-Gavras, se ressemble, qu’on fût cadre ou simple employé, jeune ou proche de la retraite, homme ou femme.
Or donc, entrons dans le vif.
Oui, et comme ça va en étonner plus d’un, le but premier d’un chômeur n’est pas de se la couler douce en se gavant de programmes télévisuels lobotomisant, pas même de miser une partie de ses indemnités (auxquelles il a droit, rappelons-le ; et pourquoi ? Parce qu’en trimant, il a cotisé pour !) sur le tocard de la fameuse troisième course à Chantilly pour les dilapider ensuite dans un Rapido, non ! Le but de ce « parasite » est de retrouver, et fissa, le monde du travail ; un monde joyeux, gratifiant, épanouissant, il va sans dire, mais peu importe, c’est ainsi, il veut le retrouver, ce monde-là … Et que fait-il pour ? ... Il envoie des candidatures assorties d’un CV. Mais attention ! Pas des candidatures torchées à la va-vite avec un CV dégueulasse ! Non ! … Le chômeur, il a bien étudié le dossier, à savoir ce qu’il faut y mettre dans une lettre de motivation, soignant les termes et la présentation, grammaire et orthographe comprises ; aux petits oignons, la lettre. Quant au CV, idem, il te l’a mitonné impeccable, d’une lisibilité à toute épreuve, du velours. Et il est enthousiaste, le chômeur. Il y croit. Ça va finir par payer.
Mais le temps passe, et rien.
Quand je dis rien, j’exagère à peine, car voilà, c’est le point, c’est donc là où je voulais en venir : un employeur sur quatre (et encore, j’arrondis généreusement) prend la peine de (lui) répondre.
Un sur quatre.
Alors, on pourrait se dire – j’ironise – que par temps de crise, ma foi, un timbre c’est du luxe, pour nos entreprises françaises ! Elles vont pas grever leur budget chancelant pour un chômeur multiplié par X au carré ! Sans blagues ! Ça leur reviendrait bonbon en timbres, n’est-ce pas ? … Mais même pas ! Car aujourd’hui, on ne passe quasiment plus par le courrier postal, mais par le mail. Or donc, ça ne leur coûterait pas un rouble de prendre la peine de répondre à la candidature spontanée (ou pas) d’un demandeur d’emploi. Simplement un peu de temps, et j’oserai dire : un minimum de correction.
On me rétorquera, peut-être : et alors ?
Eh bien alors, quand vous cherchez du taf, que vous y mettez les formes, que, de surcroît, vous acceptez, sans barguigner, de candidater à des postes où, croyez-le, vous vous asseyez sur toute prétention salariale, tout diplôme, toute expérience, bref, que sans faire de simagrées, vous consentez à vous déclassifier – à vous brader, diraient d’aucuns – mais, nonobstant, en exprimant votre désir, votre envie, un volontarisme affiché, haut et fort, et que pour toute réponse, c’est le néant, vient le moment où : merde ! … Parfaitement : merde !
Parce que ne pas répondre, même en deux phrases, même de façon lapidaire, peu importe ! c’est bien considérer le chômeur comme de la merde, non ? Ou comme quantité moins qu’insignifiante.
C’est du sale mépris, en vérité.
Alors même qu’on nous bassine avec le « vivre ensemble », le « respect de l’autre » et tout le toutim ! Que le saint-MEDEF jure, ô grand dieu, que nos employeurs français ne sont pas (tous) des cochons, des « c’qu’on croit » et tout le tralala.
« Vivre ensemble » mon cul, oui !
« Le respect de l’autre » balle-peau ! Y’a pas !
Un sur quatre qui prend la peine de répondre, en temps de crise, alors même que ça leur coûte nib', c’est même pas misère, c’est scandaleux ! Et l’on voudrait quoi ? Que le chômeur, il prenne sur lui, et continue sans moufter ce parcours devenu humiliant ?
Il faut savoir que lors des rendez-vous mensuels à Pôle Emploi, on vous demande de fournir des preuves de votre bonne volonté, à savoir du concret, des recherches effectives d’emploi, mais qu’est-ce qui pourrait empêcher un conseiller plus zélé qu’un autre, de vous signifier que vos belles lettres et vos CV à peine trafiqués, c’est bien joli, mais qui dit que vous les avez réellement envoyés ?
La seule preuve, indubitable et incontestable, de vos recherches ce sont les réponses des entreprises à vos candidatures. Or, comme elles ne répondent pas, eh bien, comment pouvez-vous, auprès de Pôle Emploi, prouver votre bonne foi ? Sur votre bonne gueule ?
Passent les premiers mois, où ça se montre compréhensif, mais le temps filant, la fin de droits s’approchant, et – surtout – la courbe du chômage augmentant, on aurait comme tendance à jouer du ciseau, voyez-vous, à donner dans la radiation temporaire ou définitive ! Ça n’y fera pas des chômeurs de moins, ah ça non, simplement des malheureux en plus. Comme une double-peine. Et vas-y que je t’enfonce, hein, encore et toujours. Mais qui s’en soucie ?
Ah oui, pardonnez-moi, y’a plus important : Karachi, les Primaires socialistes, DSK qu’écrase Sarkozy, bref, du spectacle, du show, du buzz.
Mais tant pis, allez, même si cette bafouille, elle aussi, je le crains, restera lettre morte, je voudrais simplement dire aux employeurs qui reçoivent des milliers de candidatures de demandeurs d’emploi, que de leur répondre, ce n’est pas une obligation, non ! c’est un devoir.
Le minimum.
Ou plus précisément : le service minimum.
Ça vous parle, ça non ? Le service minimum !
Il serait juste qu’il fonctionnât dans les deux sens.
Veuillez agréer, comme de bien entendu, les politesses d’usage.