Fils de Pute (en viager, à la Maison Rouge)
Publié le 24 novembre 2010 par Marc Lenot
L’excellente introduction à l’exposition de la Maison Rouge qui présente des pièces provenant de cinq collections européennes, est la pierre tombale de l’artiste Éric Pougeau, spécialiste des horreurs enfantines, qui annonce d’emblée la couleur : “Fils de Pute” (jusqu’au 16 janvier). Non seulement ce télescopage de l’insulte et de la mort choque et gêne, mais, de plus, c’est une pièce en viager : le collectionneur la restituera à la mort de l’artiste pour qu’il soit réellement enterré sous cette pierre (si la bien-pensance ne l’en empêche pas).
Cela vous met d’excellente humeur pour aborder l’exposition elle-même (aussi jusqu’au 16 janvier) qui regroupe des pièces entre lesquelles le lien est des plus ténus : la démarche est louable, mais l’argument des recherches d’un chien est tiré par les
cheveux. Si on n’est guère surpris par
Claire Fontaine, toujours on Strike, ni par le rat monstrueux de Mark Dion, on revoit avec plaisir un
Kentridge (History of the Main Complaint, triptyque médical), la terrifiante vidéo “Barbed Hula” de Sigalit Landau (dont un travail récent était exposé chez Kamel Mennour), le terril de Stéphane Thidet ou le tricycle de Kimsooja. Dans un coin, au piquet, un petit bonhomme de
Virginie Barré (”Les hommes venus d’ailleurs”) comme un écho à la caverne.
Mais, dans cet ensemble hétéroclite, une pièce m’a vraiment séduit, la vidéo de
Mircea Cantor “The Landscape is Changing” (2003) : un groupe d’une vingtaine de personnes défile dans une ville (Tirana) en portant des panneaux. Mais ces panneaux ne portent pas de slogans (comme on s’y attendrait), ils ne sont pas colorés (comme la marche de
‘Seven Ballets in Manhattan’ de
Daniel Buren en 1973 à New York), ce sont des miroirs, plaques de métal fixées à la hampe, et qui ondulent un peu dans la marche : la réflexion du paysage environnant en est ainsi légérement déformée, moins que dans une photographie de Kertesz, mais assez pour que le regard soit surpris, désorienté. Ensuite l’écran se fragmente en huit morceaux étoilés, la réalité se dérobe encore plus dans cet effet kaléidoscopique, la représentation est encore moins un miroir du réel, l’image est de plus en plus en question. Peut-être sommes-nous encore dans la caverne, nous aussi.
Photos 1 et 2 de l’auteur. Virginie Barré étant représentée par l’ADAGP, la reproduction de son œuvre sera ôtée du blog à la fin de l’exposition.