Dans ces conditions, il fallait une astuce pour paupériser les ouvriers de
façon permanente. Ils ont donc inventé le chômage. Il s'agissait d'exploiter les
ouvriers sur un laps de temps défini et le congédier un long moment pour que
celui-ci se taise et vienne mendier du travail. Alors qu'il aurait été tout
aussi profitable pour l'employeur de les faire travailler sur des journées plus
courtes et à plus long terme.
Cela a permis la division des travailleurs qui
se sentaient en concurrence et n'étaient donc pas près de s'allier pour tenter
de se révolter. Diviser pour mieux régner, telle était la devise des
capitalistes.
Mais ce fonctionnement ne satisfaisait pas les industriels puisque les
nombreux travailleurs de leurs usines n'avaient ni le temps ni l'argent pour
acheter des biens produits. La classe bourgeoise avait retiré du prolétariat
beaucoup de monde qui avait les moyens de consommer, mais ça n'a pas été très
efficace.
Ensuite, ils ont eu l'idée d'exporter massivement vers l'étranger,
notamment les colonies. Mais là encore, le marché a été saturé rapidement. Une
nouvelle idée était d'user les produits finis pour en abréger l'existence.
Plus tard, des industriels ont remarqué qu'en diminuant le nombre d'heures de travail par jour, la production n'est pas affectée. L'Angleterre limite alors le nombre d'heures de travail journalier à 10. Les résultats auront les mêmes effets que des journées plus longues. On remarquera que les ouvriers n'y sont pour rien dans ce progrès social. C'est la cupidité capitaliste qui, en voyant des économies à faire, a permis ce droit du travail.
Jusque-là, Lafargue résumait l'histoire des premières industries capitalistes. Vient ensuite une partie fictionnelle, rêvée par l'auteur qui de nos jours n'a jamais abouti et dont l'atmosphère ambiante tend à ne pas suivre le même chemin :
En diminuant le nombre d'heure et grâce au progrès de l'industrie, en obligeant les ouvriers à consommer les produits et non en les exportant, cela généra une "immense armée de forces de travail". Ainsi, la bourgeoisie pourra licencier la cohorte "de magistrats, de figaristes, de proxénètes, etc." qui avait été retirée du travail de production, dit "utile", par la bourgeoisie pour consommer les biens produits. Lafargue espérait alors que cette bourgeoisie allait mettre elle aussi les mains dans le cambouis aux côtés ouvriers.
Pourtant, la bourgeoisie a maintenu son rang. En effet, elle a eu l'idée de maintenir en concurrence la main-d'oeuvre. Au lieu d'embaucher plus, elle a au fur et à mesure des années, jusqu'à notre époque, inventé le chômage de masse en automatisant les tâches au détriment du personnel. Le chômage permet d'avoir des employés/ouvriers plus flexibles, qui revendiquent moins, puisqu'ils sont à la merci de leur employeur et considèrent comme une chance d'avoir du travail contrairement aux autres. L'objectif du plein emploi (le terme n'existait pas encore à l'époque) qu'évoque Lafargue, malgré les discours, n'a jamais été une priorité des industriels qui auraient alors "perdu" le contrôle sur les gueux qui travaillent pour eux.
Par ailleurs, cet objectif de plein emploi que les politiques nous promettent depuis des années ne se fera jamais, puisqu'il ne va pas dans l'intérêt des chefs d'entreprises. « La stabilité des prix, c’est-à-dire la lutte contre l’inflation, nécessite une modération salariale qui ne peut être garantie en l’absence de chômage […]. Les orientations de la SEE […] impliquent davantage une mise en concurrence des individus qu’un objectif de résorption radicale du chômage » raconte Bernard Conter (La Stratégie Européenne pour l’Emploi : un discours politique à décoder).
Le dernier chapitre comporte des citations d'auteurs de la Grèce Antique. Les Grecs vaquaient à des activités intellectuelles et divertissantes plutôt que le travail manuel laissé aux esclaves. En réponse à une critique sur le fait que les Grecs utilisaient des esclaves, Lafargue répond qu'a l'époque l'État de guerre était permanent et qu'il fallait que des hommes ne soient pas altérés par l'effort physique pour pouvoir réfléchir correctement - cet argument est bancal, le travail s'il laisse du temps libre à l'individu ne lui posera pas de problème pour planifier ses plans de bataille. Il fait également un parallèle avec cette époque en évoquant les ouvriers, qui ont peu de temps à se consacrer (dans les années 1870) et les comparent à des esclaves modernes.
Aujourd'hui, les ouvriers bénéficient de plus de droits, de loisirs, de temps
à eux, de meilleures conditions de travail et de vie. Mais récemment les
différents coups portés aux droits du travail, aux régressions sociales et le
penchant ultra libéral de la société française nous laisse craindre une
paupérisation de l'ensemble des travailleurs.
"Le droit à la paresse", une
Utopie ? En tout cas, un rêve non réalisé qui apparait régulièrement dans les
débats autour de thème du travail.
« Les socialistes révolutionnaires ont à recommencer le combat qu'ont combattu les philosophes et les pamphlétaires de la bourgeoisie ; ils ont à démolir, dans les têtes de la classe appelée à l'action, les préjugés semés par la classe régnante »