Délits d’Opinion : Selon les résultats que vous venez de publier, Nicolas Sarkozy, qui avait jusqu’à présent axé sa précampagne sur une stratégie de premier tour, est pourtant en baisse d’environ 2 points par rapport à l’enquête du mois d’août. Peut-on parler d’une déconvenue ?
Laure Salvaing : L’affaiblissement est indéniable. Ce sondage n’est pas du tout une bonne nouvelle pour le Président qui se situe au premier tour entre 24% et 26% selon les candidats socialistes testés en face de lui. Il est par ailleurs battu au second par tous les candidats – François Hollande, Ségolène Royal, Martine Aubry ou Dominique Strauss-Kahn – à des niveaux différents néanmoins. L’ampleur de la défaite au second tour doit cependant être analysée avec prudence. Plus encore que les chiffres, ce sont les tendances qui doivent être ici décryptées. Or, dans cette perspective, la victoire de la gauche au second tour ne peut être assimilée à une vitalité pleinement recouvrée du parti socialiste.
Délits d’Opinion : Dans ce sondage, vous testez l’hypothèse Jean-Louis Borloo qui réalise un score très honorable. Quelle est son assise électorale ?
Laure Salvaing : Avec des scores compris entre 5% et 8,5%, Jean-Louis Borloo réalise en effet un score notable. Il grignote sur les candidats du centre-droit et notamment Dominique de Villepin. Mais, il empiète aussi sur la candidate d’Europe Ecologie, Eva Joly qui pâtit de la percée de ce nouvel entrant potentiel qui sort d’un poste ministériel de premier plan, qui a fait preuve d’une maitrise de ses dossiers, et dispose d’un vrai crédit sur les sujets environnementaux. Enfin, l’ancien ministre prend quelques voix au Président de la République, participant ainsi à l’affaiblissement du candidat Sarkozy au premier tour. Assiste-t-on pour autant à la naissance d’une écologie de centre droit ? On ne peut pas encore le dire. Mais il s’agit clairement d’un signal intéressant dans cette pré-campagne présidentielle.
Délits d’Opinion : Parmi les quatre potentiels candidats socialistes testés, quels sont les enseignements clés ?
Laure Salvaing : Nous avons en effet testé 4 hypothèses de premier tour. Dominique Strauss-Kahn, François Hollande, Martine Aubry et Ségolène Royal, n’ont pas les mêmes responsabilités, ni la même visibilité, mais il faut noter que tous sont potentiellement en situation de gagner au second tour face à Nicolas Sarkozy et ça c’est nouveau par rapport aux dernières intentions de vote réalisées au mois d’août.
Dominique Strauss-Kahn, qui est pour l’heure à l’extérieur de la vie politique française, démontre sa capacité de fédérer au-delà de sa base électorale. Il réalise le meilleur score au premier tour, dépassant même pour la première fois le candidat UMP, et au second tour, battant nettement Nicolas Sarkozy par 62% contre 38%. Il est suivi par Martine Aubry qui réalise 23% au premier tour. Cette dernière a pour sa part un marquage clairement à gauche. Chef d’un parti visible, et qui a conquis une vraie légitimité, elle dispose d’une bonne assise au sein de la gauche plus radicale. Ségolène Royal, qui n’est pas encore dans la campagne, conserve une légitimité liée à sa candidature en 2007, et réalise 17 % au premier tour. Enfin, François Hollande a fortement imprimé la vie politique depuis des années et conserve un poids politique conséquent. Il réalise un score de 16,5%, ce qui ne l’empêche pas non plus d’être en situation de gagner au second tour face au président sortant.
Délits d’Opinion : Enfin, dans cette enquête, les petits partis semblent prospérer.
Laure Salvaing : On a un premier tour à haut risque avec des extrêmes qui sont élevés. Marine Le Pen à 14 % poursuit sa progression et notamment parmi les électeurs sans préférence partisane. De l’autre côté de l’échiquier, l’extrême gauche se situe aussi à un niveau élevé. En cumulant les scores de la LCR, d’Olivier Besancenot et de Jean-Luc Mélenchon, on parvient à un résultat comparable à celui du FN. Au final, beaucoup de candidats peuvent prétendre au rôle de troisième homme, voire à la seconde place, si la tendance observée venait à s’accentuer.
Propos recueillis par Matthieu Chaigne