En visionnant l'excellent épisode final de Prozac (Gilles Renaud, France Castel: Wow!) j'ai eu une envie de smoked meat.
Du coup je me suis aussi rappelé que la petite feuille sur le frigo débordait d'articles d'épicerie à acheter.
'me suis donc tapé une épicerie.
Dans les multiples choix d'épiceries disponibles, mon choix s'arrête toujours à l'Institut du Gruau d'Amérique qui se trouve à une distance raisonnable de chez moi. Après un an, un an et demie de prise en charge des responsabilités alimentaires, j'y ai pris mes habitudes. Je connais les sections par coeur, je fais même mes listes de chez moi en fonction du trajet que je ferai une fois dans le supermarché. De plus on me donne un produit gratuit pour chaque tranche de 70$ dépensé sur place. Je paie avec la Visa Voyage, ce qui nous fait des vacances à peu de frais l'été venu, et je fais le plein d'Air Miles (whatever that means...).
Toutefois, la belle, déchargée des tâches alimentaire depuis un an, un an et demie, a manifesté son envie que je troque mon repaire habituel pour un autre supermarché. Si elle s'occupe moins du manger, elle en est quand même l'experte. Plus experte encore l'est-elle dans nos finances, travaillant dans une banque. Elle soulignait que je paierais beaucoup moins cher chez Bol Swel.
Je suis donc passé à l'Ouest.
Roulant sur le pont-de-la-concorde-qui-ne-tombera-plus-jamais-car-il-s'agit-maintenant-du-pont-le-plus-solide-du-monde je me suis donc rendu au Bol Swel.
Ipod en tête, j'ai entamé ma ronde qui allait nécesairement être plus longue car je ne connaissais pas les lieux. En entrant j'ai été acueilli par un kiosque de Sushi défraichi. L'odeur m'a un peu répoussé mais comme je suis aussi un grand amateur de sushi, je n'en ai pas fait une misère. J'avais tout un supermarché à défricher.
Première constatation: l'endroit est gigantesque. Suffit de contourner un comptoir réfrigéré fait sur le large, qu'il faille revisiter nos pas pour faire les 5 allées que nous venons de passer. J'ai cherché les piments assez longtemps. Là où j'avais mes habitudes, les piments sont gardés avec les légumes au milieu des allées pas avec les légumes sur les comptoirs le long du mur. Au Bol Swel, les légumes le long du mur passent régulièrement sous une pluie automatisée, ce que ma tête à découvert en se faisant aspergér au même moment que je cueillais un piment vert. Ça m'a irrité de prendre presque tout mes légumes aussi mouillés que si ils avaient été laissé dehors (où la pluie faisait d'ailleurs rage). Les zones d'ombre ont dû apparaître dans mon oeil car un commis tout près m'a jeté un regard inamical.
Je remarquai assez rapidement que les jeunes femmes, clientes du Bol Swel, étaient beaucoup plus ravissantes que mes vieilles dames de l'Institut du Gruau d'Amérique. En tout cas ce jour là. J'en ai rajusté mes cheveux, cherchant inconsciemment un angle avantageux à ma tête. Croisant aussi quelques boomers je remarquai que mon rythme de "poussage de chariot" était beaucoup plus rapide que le leur. Ceci m'a aussi valu quelques regards inhospitaliers. Un vieil asiatique m'a poussé dans le dos pour passer dans une allée mais je n'en ai pas fait de cas, c'est culturel semble-t-il.
En prenant le dernier hummus qui trainait sur un comptoir, une femme m'a lancé un regard assassin. J'ai vu le pita dans son chariot j'ai compris qu'elle lorgnait elle aussi ce petit plat de hummus mais bon, j'y étais avant. J'ai senti que si elle avait pu me donner un coup de poing quand je passé à ses côtés, elle l'aurait fait.
J'ai voulu commander du jambon forêt noire en tranche en prenant un numéro au comptoir de boucherie. J'avais le#22. On servait le#17. Pourtant, au comptoir se trouvait un monsieur seul, qui m'a regardé comme on regarde une blessure sur son bras et un seul boucher pour lui répondre. Je me suis dis que je serais probablement le prochain. Toutefois, dans la demie-éternité que le commis à pris pour le servir, plusieurs personnes sont passées et le client du comptoir leur a, tour à tour, donné les billets #18, 19, 20 et 21 qu'il gardait cachés dans sa main en leur jasant ça (visiblement c'était des habitués). Chaque fois en me regardant comme si j'étais déguisé en mascotte.
En continuant mon chemin dans les allées je voyais que certains clients me répéraient au loin et se chuchotaient des choses à l'oreille à mon passage. Je crois même avoir aperçu un homme me pointer du doigt en parlant tout bas à un autre. J'ai commencé à douter de moi-même. Avais-je bien mis un pantalon aujourd'hui?: oui. Étais-je saoûl?: non. Avais-je un bouton dans le front?:non. Une tension filtrait de l'endroit. Un Afghan chez les blancs.
Je commencais aussi à perdre un atout qui m'est rare: la patience. Où étaient les sacs de poubelles? Où se trouvait le sucre? Pourquoi certains jus d'un côté et certains autres beaucoup plus loin? Le pain! j'ai oublié le pain 56 rangées plus loin! De la bonne musique en tête j'avais tout pour être bien et pourtant j'étais tendu.
Pour ajouter à l'innefficacité du moment quelqu'un m'a fait un croc-en-jambe. Le même olibrius avec lequel j'avais passé très près de faire un face à face à trois reprises au croisement d'une allée. J'ai failli tomber mais ai préféré faire tomber la pile de cannes de sauce tomates en m'accotant dessus pour reprendre mon équilibre. L'homme avait disparu quand j'ai repris le contrôle de la situation.Toutefois on aurait dit que les belles femmes de l'épicerie s'étaient toutes passé le mot pour assister à l'effondrement. J'ai même vu des sourires satisfaits sur certaines jolies demoiselles.
Passé la caisse, je tentai de me détendre toujours avec ma zizik.
194,67$$$$$$$$$$$$$!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Moins cher le Bol Swel? J'étais redevenu tendu. Comme cette main que la caissière me tendait attendant mon argent en se léchant les babines. J'ai dû y aller d'extra protection pour cacher le code de ma carte de débit car deux clients girafaient au-dessus de mon épaule. Ce n'est que là que j'ai remarqué que le Bol Swel n'avait pas d'emballeurs...Mes 487 articles trainaient pêle mêle et comme je n'avais jamais emballé de ma vie j'ai fait de mon mieux mais à une vitesse déraisonnable selon les gens derrière moi. Les 6 clients qui ont passé à mes côtés pendant que je ramassais ma commande m'ont tout poussé, voire rudoyé et il n'y a avait aucun asiatique parmi eux. Certains ont même pigé dans ma commande payée et pendant que je courais après un, un autre se servait dans ma commande. J'ai réussi à fuir avec deux sacs (recyclables) et j'ai entendu quelqu'un souffler dans son mépris "...un écologisse...".
Derrière moi, les clients qui assistaient à mon lynchage, applaudissaient voyant que la poule sans tête, étrangère dans la ferme locale, fuyait la basse-cour.
Dans leurs yeux l'espoir que je ne fréquente plus jamais les mêmes allées qu'eux.
Je n'avais même pas acheté mon smoked meat.
Je n'ai pas dis mon dernier mot...