Cela fait maintenant plusieurs semaines que l'on voit, dans la presse strasbourgeoise et dans divers lieux culturels de la ville, la photo d'une belle blonde sur fond rouge. Cette dernière tient autant de la nonne avec son habit de lumière, son pendentif en forme de croix et son regard bleu tourné vers le ciel que de la putain avec sa nudité quelque peu voilée, sa bouche maquillée de rouge et sa sensualité débordante. Elle oscille entre tradition et modernité, religion et libération, héritage et affirmation de soi résumant ainsi toute la dualité d'une société en pleine mutation.
© Luminitza Liboutet / Flyer de l’événement e.cités / Bucarest
Attirante, attirée. Mais, vais-je réussir à la voir ?
Plusieurs structures se sont fédérées pour le projet e.cités / Bucarest (du 3 au 30 novembre 2010) qu'illustre cette photographie : l'espace Apollonia, l'école des arts déco, l'école d'archi, l'institut culturel italien de Strasbourg, St'art (foire d'art contemporain) et la ville pour Strasbourg mais aussi deux institutions de Bucarest : le centre international d'art contemporain et le Musée National d'Art Contemporain. Plusieurs expositions sont organisées ainsi qu'un workshop et une journée de réflexion sur les liens et possibles interactions entre art et architecture.
Entrée de l’espace apollonia / Photo : C.R.
Jeudi 4 novembre, vernissage de l'exposition Transitions urbaines à l'espace Apollonia... Dans une salle aux murs de laquelle des photographies sont accrochées, des gens grignotent et boivent un coup. Pas de belle blonde pulpeuse à l'horizon... Mais des photographies montrant Bucarest, son architecture et ses problématiques. Intéressant ! La blonde ? Peut-être ailleurs… Sans doute !
© Iosif Kiraly, Reconstructions, 2004-2007 / Photo : C.R.
Iosif Kiraly est l'un des artistes roumains contemporains les plus connus (dixit la légende !). Bref, que ce soit le cas ou non, importe peu si son travail est intéressant. Ici sont présentées de grandes photographies qui sont en fait des photo-collages ou des photo-montages d'instants de vie, de moments de ville disparates qui, assemblés, forment un tout (qui semble) cohérent... Mais à bien les observer, est-ce réellement le cas ? Á partir de plusieurs bâtiments, il en crée un nouveau, à partir de temps différents, il fait se croiser des gens (dont une blonde… Mais pas la même, en outre, elle est beaucoup trop vêtue !) qui ne se seraient peut-être jamais rencontrés, il change ainsi le regard et oblige à la (re-)découverte de lieux de vie quotidiens.
© Andrei Mateescu, Multilateral, Untitled, 2010 / Photo : C.R.
Un autre travail m'a interpellée, celui d'Andrei Mateescu que j'ai trouvé visuellement très fort... Une série de photographies montrant des immeubles gris, austères, sans fenêtre, sans habitants semble-t-il, est exposée. Toujours pas de jolie blonde sensuelle me direz-vous... Mais est-ce vraiment grave ? Armé de son ordinateur, l'artiste supprime tous les éléments architecturaux de type fenêtres, volets, portes, etc. d'immeubles impersonnels qui, sous le régime communisme, ont remplacé le patrimoine architectural de Bucarest qui fut détruit de façon quasi systématique. Il a laissé quelques éléments : tout ce que les habitants ont ajouté à ces bâtiments pour les améliorer et se les approprier. Ainsi on peut voir, ici ou là, un appareil à air conditionné, une publicité ou encore un étendoir à linge... La figure humaine est absente de ces photographies, la ville a l'air désertée mais ces objets nous rappellent qu'il s'agit avant tout de lieux de vie.
© Studiobasar : evacuarea fantomei / evicting ghosts, 2006-2010 / Photo: C.R.
Je n'ai pas trouvé la jolie blonde pulpeuse de l'affiche dans cette exposition... D'après les renseignements que j'ai pu y glaner, cette photo de Luminitza Liboutet sera visible à la foire d'art contemporain de Strasbourg entre les 26 et 30 novembre mais je ne suis pas déçue. Qu'est-ce qui est le mieux ? Une belle plastique (ok, je vous l'accorde, elle est plus que ça !) ou un questionnement sur la place incertaine de l'homme dans une cité en pleine mutation ? Bucarest, capitale de la Roumanie, est présentée comme une ville qui sort d'une ère communiste et entre dans une société consumériste, capitaliste et bourgeoise où chacun doit se trouver une place et une existence nouvelle... Même si c'est sous une bâche devant son ancienne habitation après en avoir été expulsé [Studiobasar : evacuarea fantomei / evicting ghosts, 2006-2010].
Tout compte fait, cette expo est une belle blonde qui fait réfléchir... Allez-y voir !
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
Espace apollonia / 12 rue du faubourg de pierre, 67000 Strasbourg / Exposition du 5 au 30 novembre / Du lundi au vendredi : 10h-12h / 14h-18h / Samedi : 15h-18h
Rencontrer l'Europe - Bucarest: "Multipli-cités", "Bucarest, l'entre deux guerres", "Regards Projetés-Bucarest" et "Images en mouvements, les frères Manaki" / dans le cadre de st-art'10, 15ème Foire européenne d'art contemporain de Strasbourg / Stand apollonia / Parc des expositions du Wacken / 7 place du Wacken, 67000 Strasbourg
Vernissage le jeudi 25 novembre 2009 (sur invitation) / Exposition du 26 au 29 novembre / 26 novembre 11h - 21h / 27 novembre 11h - 20h / 28 novembre 11h - 20h / 29 novembre 11h - 19h / Entrée 12 € / Tarif réduit 10 €