Etat chronique de poésie 1057

Publié le 24 novembre 2010 par Xavierlaine081

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Au risque de paraître poison démobilisateur, je viens dire ici tout le désespoir d’une lutte sans merci, dont les plus pauvres sortiront encore affaiblis, aigris, prêts à vendre leur âme aux puissants qui les affament. 

Car voyez-vous, dans l’euphorie de la lutte justement menée, les yeux ont tendance à ne voir que l’immédiate proximité. 

L’horizon alors ne permet plus de garder distance. 

Il devient aisé de prendre ses désirs pour réalité et de sombrer dans l’activisme qui condamne par lui-même, déjà, le mouvement. 

La nasse gouvernementale peut alors se refermer. Le nettoyage des consciences accompli par ondes télévisuelles interposées, elle peut porter, au cœur même des forces qui devraient être les ferments de la révolte, l’estocade de la désertion.

Il faut, en plus d’être parmi ceux qui luttent, errer un peu avant aux cafés du commerce où se réunissent les obscurs, ceux qui regardent passer l’histoire, mais pèsent de tout leur poids dans sa balance. 

Ici, devant le café fumant du matin, on peut entendre, psalmodiées en infinies litanies, les idées les plus éculées répandues à longueur de colonnes et d’antennes désormais aux mains des détenteurs du pouvoir économique. 

Et comme le veau d’or est désormais le seul culte toléré, son église fait florès, à grands renforts de dividendes, distribués aux conseils d’administration de la presse servile. 

L’homme du commun, celui qui regarde passer l’histoire en râlant de l’inconfort offert à sa protestation par le gréviste considéré comme un nanti, dans une inversion du sens désormais commune, est en fait, par sa propre inertie et son indifférence, la marche arrière de l’histoire. 

Il va, de fait, dans le sens voulu par nos dignes élus : ceux-là n’ont pas beaucoup d’intérêt à ce que l’humanité marche, droit devant elle, vers plus de ce qui la distingue des autres espèces. Ils ont à saigner à blanc le vaisseau commun pour leurs grossiers appétits de puissance et de piteuse gloire. 

Alors que, jamais depuis fort longtemps, nous n’avions été si nombreux à manifester notre profond désir de changement, la masse des inertes pèse déjà de tout son poids. 

La victoire ne sera pas forcément du côté attendu. A moins que ceux-là même qui appuient sur le frein, changent et se mettent à accélérer le processus. 

Il est toujours possible de rêver : c’est le dernier refuge qui préserve encore un peu de nos utopies. 

Manosque, 23 octobre 2010

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