Au Vatican, du bout des lèvres, le pape admet l'utilisation du préservatif "dans certains cas", "pour réduire les risques de contamination" du virus du sida, dans un livre d'entretiens avec un journaliste allemand. C'est une position "loin du compte" pour les associations de lutte contre le sida.
Le pape Benoît XVI, à la question de savoir si "l'Église catholique n'est pas fondamentalement contre l'utilisation de préservatifs?", répond "dans certains cas, quand l'intention est de réduire le risque de contamination, cela peut quand même être un premier pas pour ouvrir la voie à une sexualité plus humaine, vécue autrement".
A l'appui de sa réponse, Benoît XVI cite l'exemple d'un "homme prostitué" qui ne constitue pas vraiment le cas le plus fréquent pour lequel la question de l'usage du préservatif se pose.
Il dit "Il peut y avoir des cas individuels, comme quand un homme prostitué utilise un préservatif, où cela peut être un premier pas vers une moralisation, un début de responsabilité permettant de prendre à nouveau conscience que tout n'est pas permis et que l'on ne peut pas faire tout ce que l'on veut".
Le pape Benoît XVI restreint encore la portée de son propos en ajoutant "Mais ce n'est pas la façon à proprement parler de venir à bout du mal de l'infection du VIH. Cela doit réellement se produire dans l'humanisation de la sexualité".
C'est la toute première fois qu'un pape manifesterait un début d'ouverture timide sur l'usage du préservatif.
Mais le pape Benoît XVI ne tente t'il pas par une manoeuvre sans substance et un discours alambiqué de simplement réagir face au discrédit avancé dont il est l’objet?
En effet, jusqu'à présent, le Vatican s'est toujours montré opposé à toute forme de contraception, en dehors de l'abstinence, même comme prévention des maladies sexuellement transmissibles.
Et dimanche 21 novembre, comme s'il craignait que ses propos pourtant fort limités ne soient interprétés comme une approbation de l'usage du préservatif, le Vatican a toutefois rappelé le cadre exceptionnel dans lequel le pape s'était prononcé, à savoir "quand l'exercice de la sexualité représente un vrai danger pour la vie de l'autre".
Le père Federico Lombardi, le porte-parole du Vatican a déclaré "Dans ce cas précis, le pape ne justifie pas moralement l'exercice désordonné de la sexualité mais considère que l'utilisation du préservatif puisse être un "premier acte de responsabilité'".
Il a ajouté "Dans ce contexte, le raisonnement du pape ne peut pas être considéré comme un tournant révolutionnaire".
Pour Act Up-Paris, les propos du Benoît XVI sont un pas vers "une reconnaissance des dégâts causés par les discours de l'Église catholique", mais "le pape est encore loin du compte".
L'association souligne "Après avoir dit que le préservatif aggravait l'épidémie de sida, après s'être mêlé de questions sur lesquelles il n'a aucune expertise, le pape semble enfin prendre en compte le principe de réalité. Il admet enfin que le préservatif protège du sida et ne l'aggrave pas".
Mis en place sous l'influence de la morale de l'Église catholique, les politiques d'abstinence, notamment soutenues par les États-Unis sous George W. Bush en Afrique, ont détourné les gouvernements de véritables programmes de prévention.
Moins de 20% de la population mondiale a aujourd'hui accès au préservatif alors même que l'épidémie de sida touche plus de 40 millions de personnes et qu'elle continue de s'étendre.
L'organisation Sidaction "se désole" de la position du pape sur le préservatif "qui est à l'opposé des certitudes scientifiques" sur le VIH.
Dans un communiqué l'association écrit "Il continue d'affirmer que ce n'est pas la façon à proprement parler de venir à bout du mal de l'infection au VIH. Les acteurs de la lutte contre le sida ne peuvent que se désoler d'une nouvelle prise de position qui est à l'opposé des certitudes scientifiques. L'utilisation du préservatif doit être promue de façon étendue partout où des hommes et des femmes sont exposés au VIH".
Quant à elle, l'association Chrétiens et sida fondée dans les années 1990 "pour qu'il y ait une parole différente de l'Église" sur l'épidémie, déclare "La brèche est ouverte. Le préservatif doit permettre d'arrêter le virus. Il est non seulement utilisable mais il doit être utilisé".
Seigneur, à quand une vraie ouverture?