Quand un maire socialiste pioche ses idées au Modem

Publié le 11 janvier 2008 par Willy

Quand un maire socialiste pioche ses idées au Modem
Par http://libelyon.blogs.liberation.fr/


   Xavière Tibéri fait des émules à Lyon. Mardi, Gérard Collomb, maire et candidat au renouvellement, présentait un programme costaud, "aride" selon ses propres termes, mais plutôt bien argumenté (lire). Vingt-quatre heures plus tard, il a fallu l'amputer de deux chapires, d'une vingtaine de lignes au total, après la révélation par le site du Nouvel Observateur (lire) du plagiat pur et simple de cette partie, sur le blog d'un chef d'entreprise qui travaille dans le numérique, et milite au Modem. Joint par Libération, l'auteur du copié-collé conteste le plagiat. Mais reconnaît "un raté". Il dirige une structure co-financée par des acteurs privés, mais aussi l'Etat et plusieurs collectivités locales. Il avait rédigé cette partie pour le candidat. Sans trop se fatiguer semble-t-il...

L'idée principale reprise par dessus l'épaulé de Sébastien Perros, l'auteur initial, s'appelle P-system. Elle consiste à doter chaque habitant de la ville d'une adresse courriel dont la racine commune serait @lyon.fr. Cela permettrait de souder une "identité numérique" locale, et éviterait aux usagers de perdre leur adresse lorsqu'ils changent de fournisseur.

L'idée n'est pas neuve. Elle est développée en France depuis quatre ans par une société lyonnaise, Alinto. Une première commune, Blanquefort (Gironde), s'est équipée en 2003, puis Pau notamment a suivi. Le système a également été proposé à Lyon au cours du mandat de Gérard Collomb. Mais elle a été rejetée. Elle ne faisait pas l'unanimité, mais se retrouve pourtant dans le programme du maire, en reprenant au mot près des propositions mises en ligne par Sébastien Perros.

Fondateur de start-up, ce dernier travaille toujours dans le numérique, tout en présidant Génération démocrate, un club de réflexion lié au Modem. Il avait posté ses premières idées en octobre 2007.  "A l'époque, raconte-t-il, le Modem commençait à patauger. Pour faire un peu réagir, j'ai décidé de donner une idée par semaine sur mon site et j'ai repris notamment l'idée du P-mail, qui n'est effectivement pas neuve."

Dans un post daté du 8 octobre 2007 (lire), il écrit ainsi : "Les internautes lyonnais - au moins 300 000 personnes - ont tous une adresse email sans grand rapport avec leur identité, leur passion ou leur centre d'intérêt (ex : gmail.com, yahoo.fr, hotmail.fr etc)". Dans le programme de Gérard Collomb, cela devient: "Les internautes lyonnais ont tous une adresse email sans grand rapport avec leur identité, leur passion ou leur centre d'intérêt (ex : gmail.com, yahoo.fr, hotmail.fr etc)" Et sur vingt lignes, tout est aussi fidèle.

"Lorsque j'ai commencé à lire cette partie du programme de Collomb, raconte Sébastien Perros, j'ai dit d'abord zut, ils m'ont repris mon idée. Puis ils m'ont pris ma page, puis mon paragraphe..."

L'auteur du plagiat conteste mollement. "Cela ne vient pas du tout du blog de Sébastien Perros", assure Julien Villedieu, directeur de Lyon info cité - Lyon game (site), une association qui réunit des professionnels du secteur du numérique et bénéficie de financements de l'Etat, de la région, du conseil général, de la ville, etc. Elle avait été lancée en 1996, d'ailleurs par le chef d'entreprise qui propose le P-system. Certains des dirigeants de Lyon info cité - Lyon game s'inquiètent d'un marquage politique de leur structure, quand son directeur participe à la rédaction du programme de Collomb.

Julien Villedieu explique qu'il avait "commencé à coucher sur le papier" ses idées pour le maire "au cours de l'été". Mais la partie en cause a été transmise beaucoup plus récemment, fin 2007, donc après les post de Perros. "Il y a peut-être un raté, une maladresse sur le plan de la rédaction, admet Villedieu.  Mais sur l'essentiel, l'idée est relativement consensuelle." L'équipe de campagne de Collomb a préféré retirer prestement ces lignes consensuelles, mais risquées politiquement. "Il faut vraiment être con pour imaginer que personne ne verrait le copié-collé", pouffe un autre militant du Modem.

Sébastien Perros, pour sa part, prend l'affaire avec le sourire. "Je croyais qu'au Modem, c'était le bordel, mais je vois que ça peut être pire ailleurs, rigole-t-il. Cela prouve au moins que pour le numérique, les bonnes idées sont chez nous." Refusant de charger la barque, il estime que "l'incident reste un détail à l'échelle d'un projet de ville", et il ajoute : "Je pense que Collomb s'est fait abuser, mais j'espère pour lui qu'il est mieux entouré sur les autres sujets".

La mésaventure intervient dans un contexte politique particulier. Sébastien Perros, suppléant d'un candidat du Modem aux législatives de juin, avait appelé à voter pour le candidat du PS au second tour. Aujourd'hui, il fait partie des militants qui se battent pour une liste indépendante du Modem, et se réunissent vendredi soir. Ils refusent l'union avec Dominique Perben, prédécidée par les cadres locaux de leur parti. Génération démocrate, que préside Perros, prévient qu'à défaut de liste réellement autonome, elle indiquera "librement" vers quelle liste va sa préférence. Avec une double condition. Que les extrêmes en soient exclus.  Et que le projet soutenu soit "d'inspiration démocrate". Sur ce point, le programme de Gérard Collomb l'a prit au mot (à mot).
Ol.B.