Il y a à peine trois mois, le premier ministre québécois Jean Charest recevait 51% d’appuis favorables à sa façon de gouverner le Québec. Aujourd’hui, il n’en reçoit que 22%. Comment peut-il avoir chuté si bas, si vite ?
Dans mon dernier blog « Jean Charest, le " punching bag " », je semblais expliquer la baisse rapide de sa popularité exclusivement par son refus de mettre sur pied une commission d’enquête dans le domaine de la construction. En fait, il y a plus que ça. Il y a aussi les sujets de l’exploitation du gaz de schiste et les taxes nouvelles.
Actuellement, le gouvernement autorise l’exploration de sources de gaz de schiste pour évaluer son potentiel énergétique global pour le Québec et son apport à son économie.
De retour au pays, depuis quelques jours, j’ai constaté combien cette question inquiète vivement les Québécois et les Québécoise. J’avais bien lu certaines critiques citoyennes et j’étais porté à penser qu’elles venaient surtout de ceux qui vivent à proximité des sites où l’exploration est en cours d’exécution. Je croyais que ces plaintes ne correspondaient qu’au syndrome « pas dans ma cour ». Je me suis trompé.
En effet, suite à quelques émissions de télé faisant état de l’expérience qu’ont connue les populations des états de la Pennsylvanie et de New York dans l’exploitation du gaz de schiste, les Québécois y voient maintenant des possibilités de danger pour la vie et de contamination des nappes phréatiques. Ils ont été profondément touchés par ces informations. Avec raison, ils sont devenus craintifs et voient dans un moratoire, qu’ils réclament maintenant expressivement, une façon d’arrêter les explorations jusqu’au moment où le gouvernement du Québec pourra leur faire la démonstration que l’exploitation de gaz de schiste n’engendrera pas de danger futur pour eux.
Le PM Charest, pour calmer les esprits, a soumis le dossier au Bureau d’Audiences Publiques pour l’environnement (BAPE) mais a refusé de décréter un moratoire.
Je ne suis pas d’accord avec cette approche du PM car le mandat actuel du BAPE ne couvre pas toutes les questions à analyser. En effet, il se limite à « proposer un cadre de développement de l’exploration et de l’exploitation, et proposer des orientations pour un encadrement légal et réglementaire ». Rien dans un tel rapport ne viendra calmer les appréhensions des Québécois sur ce sujet. Et c’est ce qui compte à ce moment-ci.
Ce qu’il faut faire c’est ce que propose l’Ordre des Ingénieurs du Québec : « un travail approfondi d’étude de la filière des gaz de schiste susceptible d’éclairer les citoyens et les décideurs et d’orienter la politique énergétique du Québec. … c’est une véritable évaluation environnementale stratégique (EES), qui vise à intégrer les facteurs environnementaux à l’élaboration de politiques, de plans et de programmes publics ». (Voir mon blog du 8 octobre 2010, « le gaz de schiste : rectifions le tir ! »)
L’exploitation du gaz de schiste apportera un avantage incroyable pour le Québec. 40% de nos énergies consommées viennent du pétrole et 13% du gaz naturel. Réduire appréciablement la partie de pétrole sale en faveur du gaz propre serait un apport important à l’environnement et par conséquent à notre qualité de vie. Ce sera aussi un gain économique extraordinaire pour tous les Québécois et Québécoises. Il est donc important que ce projet de développement énergétique aille de l’avant si des études bien faites démontrent qu’il n’y a pas de danger pour la vie humaine. Lorsque les Québécois seront bien instruits sur le sujet, je suis convaincu qu’ils seront d’accord à poursuivre ce projet important.
J’en appelle au PM Charest à modifier immédiatement le mandat du BAPE afin que les citoyens obtiennent les vraies réponses à leurs questions. De plus, j’espère qu’il décrétera le moratoire demandé à hauts cris par eux. Le PM calmera ainsi les appréhensions de ses commettants. Rien n’est urgent puisque le gaz sera toujours là.
Il y a aussi un autre dossier qui nuit à Jean Charest. C’est celui des nouvelles taxes. Le 2 avril 2010, mon blog s’intitulait : « Bye, Bye, Jean Charest ». J’ai écrit ce dernier pour critiquer le budget de l’année que venait de déposer le ministre des finances à l’Assemblée Nationale québécoise. Je fus tellement surpris de ce budget qui prévoit tant de taxes nouvelles et d’augmentations de tarifs que j’en avais conclu que Jean Charest ne serait pas réélu, car la politique québécoise m’a appris qu’un politicien qui taxe est un politicien qui se fait battre.
Les conséquences de ce budget pour les payeurs de taxes prirent un certain temps à apparaître. Elles commencent à se faire sentir comme on l’a vu depuis quelques mois. Depuis, le taux de satisfaction du PM baisse.
On peut donc conclure que ce n’est pas seulement la question du refus de Jean Charest de tenir une enquête publique sur la construction qui contribue à sa présente descente aux enfers. Il y a aussi les craintes des Québécois et Québécoises au sujet de l’exploitation future du gaz de schiste et leurs révoltes devant les nouvelles taxes et tarifs. Tout cela pèse dans la balance anti-Charest.
Jean Charest peut-il se sortir de l’étau qui le resserre de plus en plus ? Je le crois, s’il décide finalement :
1. De créer une enquête publique dans le domaine de la construction. Perdra-t-il la face s’il « vire son capot de bord », à ce moment-ci ? Pas nécessairement, car l’opération policière « marteau », qu’il a mise en place pour enquêter sur la construction, fait actuellement un travail de plus en plus intense. Elle pourra collaborer étroitement avec les nouveaux commissaires de l’enquête publique. Ainsi, ce qui est fait ne sera pas perdu et la nouvelle enquête publique pourra agir beaucoup plus rapidement.
2. De modifier le mandat du BAPE afin que celui-ci puisse faire une enquête complète et produire une évaluation environnementale stratégique (EES), afin de renseigner comme il se doit les Québécois et Québécoises.
3. D’assurer que son gouvernement coupera le plus possible dans ses dépenses afin de réduire les augmentations de taxes au strict minimum.
Si Charest ne fait rien, je crois que cela démontrera qu’il a décidé de quitter la politique.
Claude Dupras