Le billet Sont-ils intouchables ? de Stef d'Une autre vie évoque un certain nombre d'affaires, et en particulier des affaires dans les affaires. Une bouillie particulièrement indigeste avec l'arrivée de Juppé au gouvernement, le karachigate, la délocalisation de l'affaire Bettencourt, sans oublier les documents classifiés...
Comme le mentionne Stef, beaucoup de blogueurs ont traité ces histoires nauséabondes, beaucoup mais pas nous... Et c'est justement ce qui nous a donné envie d'expliquer pourquoi nous ne raffolons pas de ces affaires.
Les révélations de magouilles diverses et variées présentent un intérêt indéniable. Les scandales politico-financiers servent de révélateurs d'un système politique et économique, et médiatique, non pas corrompu, comme s'il s'agissait d'un corps frappé par la maladie, mais qui porte la corruption en lui-même. Le système n'est pas corrompu, il est corruption !
Au-delà du fait particulier, relativement amusant, qu'un homme ou un parti politique de haut rang se fasse prendre les doigts dans le pot de confiture alors qu'il ne cesse de donner des leçons à la société civile et d'imposer la rigueur, comme dit l'autre, à la France d'en bas, chaque affaire prouve combien la Vème République et le système capitalisme portent en eux la corruption.
Systématiquement qu'une affaire est dévoilée, on remarque qu'un clan politique et un représentant du monde des affaires se rendent services.
Ainsi, le clan politique sert les intérêts de l'autre partie en favorisant la conclusion de contrats, en allégeant la fiscalité, en privatisant, en déréglementant, et/ou en imposant des politiques de régression sociale, par la force d'une majorité parlementaire qui représente mal les citoyens, le pouvoir de persuasion des médias dominants, et si besoin avec l'aide des forces de sécurité...
L'autre partie, appelons-la le capital, finance le clan politique qui sert si bien ses intérêts, en commissions officielles légales, commissions occultes, voire rétrocommissions... Le Capital aide également ses amis politiques par le biais des médias dominants qu'il possède ou qu'il contrôle via la pub.
Mais le plus triste, c'est que les affaires [1] continuent quelle que soit la couleur de la majorité politique. De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac ou Sarkozy : combien d'affaires plus ou moins étouffées ?
Corrompre, arranger des marchés, s'entendre sont des comportements aussi courants mais moins connus que la concurrence dans le capitalisme... Des faits qui sont favorisés par le système politique de la Vème République où beaucoup trop de pouvoirs dépendent d'un seul homme et d'un parti, où des dossiers sont arbitrairement classifiés pour interdire au juge leur consultation , où le Conseil constitutionnel et d'autres autorités dites indépendantes obéissent (relativement bien) au pouvoir exécutif.
Partis qui pratiquent l'alternance politique, capital et médias dominants constituent un petit monde de privilégiés où les uns et les autres se fréquentent, se cooptent, se défendent... Il existe même des lieux et des associations, plus ou moins, informels qui leurs sont réservés comme le Siècle [2] ou L'Atlantique.[3]
Une oligarchie où les condamnés d'hier sont président de région (Huchon) [4] ou ministre (Juppé)[5], où la suspension d'une vedette médiatique (Pulvar) crée des remous, où le mélange des genres public-privé (affaire Woerth) [6] est naturel, où PS et UMP s'arrangent entre eux [7], où le pouvoir exécutif choisit les journalistes (et les questions ?) pour une interview, où la République est parfois généreuse [8], voire très généreuses [9] où les fonctionnaires et les salariés sont traités avec mépris, où les grévistes sont qualifiés de preneurs d'otages, où les licenciements, les délocalisations et le dumping social sont présentés comme une fatalité...
Une oligarchie qui impose au peuple une cure d'austérité à coups de réformes de régression sociale pour améliorer son train de vie [10]... Dites-vous bien que ce petit monde de privilégiés n'a aucun intérêt au changement.[11]
Paradoxalement, à chaque fois qu'une affaire éclate, les protagonistes sont dénoncés, parfois jugés, mais en définitive le système perdure... C'est à se demander si chaque affaire ne représente pas une sorte de soupape de sécurité qui permet d'alléger la pression populaire sur le système...?
Aussi, la répétition des affaires est lassante et tend à occulter l'essentiel : capitalisme + Vème République = corruption
Qu'ils s'en aillent tous ! [12]
Notes
[1] se reporter à l'œuvre d'investigation de Denis Robert
[2] rêver de nouveau - Chéri, on sort ce soir ? Ben non, je peux pas, j'ai mon dîner au Siècle.
[3] Pensez Bibi - BiBi s’invite aux Dîners de l’Atlantique (1).
[4] Chroniques judiciaires - Jean-Paul Huchon, coupable mais éligible
[5] Arrêt sur Images - Juppé, ex-condamné, nouveau ministre (presse étrangère)
[6] Peuples.net - BananaRépublic: Woerth a les commandes en main
[7] Parti de gauche - Emplois fictifs: la ville de Paris doit rester partie civile
[8] Rébus - La République est bonne fille
[9] Ruminances - Boutin de ma mère
[10] Célestissima - ceux qui s'amusent dit-elle
[11] des pas perdus - riches et presque décomplexés
[12] Le Grand Soir - La Bolivie socialiste réforme les retraites. Réflexion sur la gauche Française