Autres terres, côtés pile et face
Côté pile, il n’y a plus de doute. La découverte est imminente et… inéluctable. Tout récemment, les astronomes Andrew Howard et Geoffrey Marcy, de l’université de Berkeley (Californie), ont annoncé que, dans la Voie lactée, près de 25 % des étoiles de type solaire sont entourées de planètes de la taille de la Terre. Une sur quatre ! En tout, des milliards pour notre seule galaxie ! Leur démonstration, basée sur des observations réalisées pendant cinq ans avec le télescope Keck, à Hawaï, est simple. Les planètes extrasolaires, découvertes pour la première fois il y a quinze ans, étaient aussi les plus grosses. Les plus “faciles” à détecter. Aujourd’hui, avec des instruments dédiés et de nouveaux détecteurs, les quelque 500 prises recensées montrent que plus la masse de ces planètes se réduit, plus celles-ci sont nombreuses. Loin des monstrueux globes gazeux, isolés et souvent brûlés aux feux de leur étoile mère, ce sont maintenant de véritables systèmes associant des planètes variées, toutes parentes et toutes différentes.
Côté face, et c’est l’objet de notre dossier de décembre, on calme notre enthousiasme en montrant la complexité de la tâche. Discerner une exoplanète de la taille de la Terre, dans le domaine visible, “revient à essayer de distinguer depuis Paris, un papillon de nuit voletant autour d’un phare situé à… Athènes”, compare l’astronome Yaël Nazé. Et ce n’est pas tout. Il suffit que l’étoile soit active, qu’elle connaisse comme le Soleil des taches et des facules, pour que les instruments les plus précis soient mystifiés, trompés par un parasite qui se superpose alors au signal que l’on veut mesurer. En prenant des vessies pour des lanternes, une bouffée de colère stellaire peut être prise pour la signature d’une planète habitable.
Le danger est d’autant plus grand qu’une intense pression due à la compétition internationale s’exerce sur les équipes les plus en pointe. Au sein même des groupes de recherche, on se méfie des travers de la “communication” qui, par nature, exclut les bémols et refuse du temps supplémentaire pour confirmer les annonces de découverte. “Publier ou périr”, la célèbre maxime attachée à l’annonce de résultats scientifiques est, dans ce domaine, plus que jamais d’actualité.
En comparant ces deux faces, indissociables l’une de l’autre, le dossier de la recherche d’autres terres s’éclaire. S’il n’y a plus grand monde pour contester qu’ existent dans l’Univers, et sans doute près de nous, des sœurs jumelles de la Terre, pendant quelques années encore, celles-ci resteront difficiles à attraper. Raison de plus pour garder la tête froide et ne rien rater de ce moment d’histoire.
Alain Cirou
Directeur de la rédaction
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