Les Éditions La Dogana publient L’Églantier fleurit et autres poèmes, un ensemble de poèmes d’Anne Akhmatova, traduits par Marion Graf et José-Flore Tappy (avec le texte russe).
à B. Anrep
Comme une pierre blanche au fond d’un puits
Sommeille en moi un souvenir.
Je ne peux, je ne veux pas lutter :
Il est fête, il est douleur.
Qui plongera dans mes yeux
Aussitôt le verra, je crois,
Et deviendra plus sombre, plus songeur
Que s’il écoute une histoire triste.
Je sais que les dieux ont changé
Des hommes en choses sans tuer leur conscience,
Pour que vivent à jamais de merveilleux chagrins.
Ta métamorphose dans ma mémoire !
•
L’un va tout droit,
L’autre tourne en rond,
Attend le retour à la maison du père,
Attend l’amie du temps passé.
Mais moi je vais – derrière moi le malheur,
Ni droit ni de travers,
Vers nulle part et vers jamais,
Comme les trains qui déraillent.
1940
•
VI
Rêve
Est-il doux de rêver des rêves ineffables ?
A. Blok
Ce rêve était-il ou non prophétique...
Mars se levait dans un ciel constellé,
S’allumait, rouge, fatidique, –
J’ai rêvé cette nuit que tu venais.
Tout t’annonçait... La Chaconne de Bach,
Les roses ouvertes pour rien
Une cloche de village qui tinte
Sur les sombres terres labourées.
Et l’automne déjà tout proche
Qui soudain se ravise, recule.
En ce terrible anniversaire, comment, août,
As-tu pu m’apporter ce message ?
Comment m’acquitter de ce cadeau royal ?
Où aller ? Avec qui festoyer ?
Me voici, comme avant, écrivant sans rature
Mes vers dans le cahier brûlé.
14 Août 1956. Près de Kolomna
Anna Akhmatova, L’Églantier fleurit et autres poèmes, traduits par Marion Graf et José-Flore Tappy (avec le texte russe), La Dogana, 2010, p. 73, 143 et 175.
Anna Akhmatova dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, concert-lecture (05), extrait 3
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