Écrit par 237online.com
Le défunt colonel israélien dirigeait deux corps d'élite de l'armée camerounaise.
«S'il a accordé des privilèges aux individus, le président Biya a dans le même temps délaissé une grande partie des forces de sécurité, dont il se méfie. Faute de volonté politique et d'une utilisation rationnelle du budget de la Défense. Leurs éléments ont des moyens très insuffisants, très peu d'armes et de munitions, ne s'entraînent pas et sont pour beaucoup désœuvrés. Comme il n'y a pas suffisamment de casernes militaires, les soldats habitent avec les civils, au quartier. Beaucoup de brigades de gendarmerie ne comptent que trois ou quatre éléments et aucun moyen de transport.
Etant donnés ces handicaps, les forces de sécurité ne sont pour la plupart pas performantes. Leur inefficacité a conduit les autorités à créer et à privilégier des unités spéciales. Censées traiter des problèmes spécifiques, criminels ou frontaliers, elles bénéficient de pouvoirs étendus et d'une impunité de fait. Le statut de deux de ces corps d'élite, la Garde présidentielle (GP) chargée de la sécurité du président et le Bataillon d'intervention rapide (Bir), pose en particulier question.
Tous deux bénéficient d'un régime spécial, puisqu'ils ne dépendent pas du ministère de la Défense mais directement de la présidence. Ils sont en outre commandés et formés par un officier étranger : Avi Abraham Sirvan, un colonel retraité de l'armée israélienne et ancien attaché de défense à l'ambassade d'Israël à Yaoundé, qui est lié par un contrat privé à la présidence. Alors que la GP assure la sécurité du président et est stationnée à Yaoundé, le Bir, a été conçu pour faire face à de nouvelles formes de criminalité. Il a été chargé à ses débuts de combattre les coupeurs de route qui sévissent au Nord et à l'Est du pays. Le recrutement de ses éléments diffère de celui des autres entités : il est centralisé alors que les forces régulières comptent un centre de recrutement dans chaque région. Le Bir est cependant commandé par des officiers qui sont tous issus de l'armée traditionnelle. Ses soldats reçoivent une formation physique de très haut niveau et sont réputés pour leur efficacité dans l'usage des armes.
A partir des émeutes de février 2008, le rôle du Bir a considérablement changé. Il a été appelé en renfort pour sécuriser Douala, puis Yaoundé et le palais présidentiel, menacés par les manifestants. Depuis mars 2009, ses effectifs ont été augmentés et il a remplacé à Bakassi les forces traditionnelles. Mais cette présence accrue du Bir, qui compte désormais au moins 3000 hommes, cause des problèmes. En le déployant notamment à Bakassi, Paul Biya a marqué sa défiance vis-à-vis de l'armée traditionnelle. Celle-ci se sent lésée. Les moyens donnés au Bir, qui apparaît comme une armée dans l'armée, sont plus importants et perfectionnés que les siens. Les éléments du Bir ont des avantages et primes que n'ont pas les soldats ordinaires, ce qui suscitent jalousies et tensions.»
Source: Rapport de International Crisis group in «les Dangers d'un régime en pleine fracture», juin 2010