Lors de sa dernière intervention télévisée, NicolasSarkozy a déclaré qu’il allait demander au gouvernement de conduire une “réforme de la justice pour rapprocher la justice des citoyens”, avec notamment la participation de ces derniers, au côté du juge, à l’occasion des décisions de libérations conditionnelles éventuelles.
Immédiatement le débat s’enflamme autour de cette suggestion et sur la présence de jurés populaires au sein de certaines juridictions y compris en correctionnelle. Pourtant l’idée semble rencontrer une opinion favorable dans les enquêtes. Des remises en liberté par le seul juge d’application des peines ont effectivement pu encore récemment troubler cette opinion. Le syndicat de la magistrature ne semble pas en revanche l’entendre de la même oreille. En prenant connaissance des différentes interventions se multipliant sur le sujet, il serait possible globalement de les classer entre ceux qui pensent que la proposition d’associer le peuple à ces remises en liberté « mérite la réflexion » et ceux qui réduisent la problématique à « plus de moyens » ; « il faut plus de moyens » pour que “Justice fonctionne” … et refusent finalement le débat.
Ce détour perpétuel par les « moyens » est une manière comme une autre d’éluder les questions. Il faut sans doute plus de moyens, mais pour quoi faire ? Si c’est pour continuer dans le même registre, parfois les mêmes erreurs, nos concitoyens ne comprendront pas et une fois de plus accuseront les politiques de ne pas répondre à leurs préoccupations.
Pour revenir à la question, comment refuser la présence du jury « populaire » là, quand on la loue ailleurs, en Cour d’Assises par exemple ? Les magistrats seront bien sûr associés; ils représentent la garantie d’une application juridique correcte et le peuple ne pourra plus se sentir complètement exclu d’une Justice, laquelle rappelons-le, est rendue en son nom.
Curieusement le PS qui semble pourtant commencer à prendre au sérieux, enfin, ces questions de sécurité et de justice est à chaque fois complètement frileux et en retard sur un Peuple qu’il revendique. Un pas en avant dans la forme, mais entouré de tellement de précautions verbales et restrictives, qu’il en devient peu crédible et tue dans l’oeuf son effort éphémère de crédibilité.
La question est complexe et réclamera sans doute des moyens supplémentaires pour la mettre correctement en œuvre, mais comment la balayer d’un revers de manche ? Philippe Bilger sur son blog l’évoque avec le sérieux qui en général le caractérise :
“D’abord, être bons joueurs : l’idée du président, annoncée dès le mois de septembre, n’est pas facile à récuser dans son principe. Qui pourrait s’opposer à l’exigence légitime d’associer encore davantage les citoyens à l’oeuvre de justice ? “[…] « Elle mérite d’être examinée avec le plus grand sérieux. Son caractère apparemment jeté comme une idée ” sur la soupe” laisse croire que la provocation qu’elle représente vaut plus que la qualité de son fond. »
Il laisse ensuite transparaître ses réticences, ses craintes , pour conclure :
« Au fond, pour satisfaire cet objectif légitime dont la réalisation verrait la démocratie et la justice rassemblées et solidaires, il ne me semble pas que les changements procéduraux soient le meilleur outil. Je crois davantage dans la capacité et la prise de conscience d’une justice qui comprendrait, enfin, que le citoyen est à la fois son but exclusif et son juge légitime. Pour qu’on la considère, qu’elle en offre au peuple les moyens ! »
Il est quand même plus satisfaisant de lire de telles interrogations associées à la reconnaissance de préoccupations populaires légitimes, plutôt que d’enregistrer des condamnations immédiates et irréductibles sur toutes les propositions en la matière.
Il devient agaçant de constater qu’il est toujours aussi difficile de sortir de ces rhétoriques infernales : celle de ceux qui refusent la « sanction » au nom d’une responsabilité sociétale sans cesse évoquée et qui prétendent tout régler par la « prévention » et celle de ceux qui pensent, à l’inverse, tout régler en reprenant la bonne vieille décapitation. En ce sens la proposition d’une réflexion approfondie sur le sujet mérite que l’on s’y arrête.