A mon avis « Coco Chanel & Igor Stravinsky» est d’un tout autre acabit, car ici le refus du biopic est formellement revendiqué en ne retenant qu’un épisode de la vie de la belle mademoiselle : sa rencontre avec le compositeur russe, et la passion qui unira ensuite les deux amants.
C’est banal comme une histoire de quai de gare, mais la personnalité des protagonistes, l’époque qui les unit ( le début du XX è ) et la caméra qui les réunit suffisent à hisser le récit au-delà du cœur, pour faire chambouler l’âme et sa raison.
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Je suis subjugué par la manière dont Jan Kounen réussit à nous faire admettre ce couple contre-nature (riche/pauvre, célibataire/marié) avec un naturel obsédant qui s’installe de la même manière que la famille de Igor Stravinski investit la belle demeure de Coco Chanel.Elle admire l’artiste, et l’artiste va l’aimer. Deux créateurs hors normes, en marge de leur époque, en avance sur leur temps, des post-modernistes que le cinéaste épie dans la confidence, le silence et l’ombre porté par des secrets que tout un chacun conserve comme pour mieux préserver l’amour et ses déviances.
Il y a beaucoup de regards, de non-dits et de frôlements d’épaules. Dans le rôle-titre Anna Mouglalis s’y love avec une délectation feinte, conférant à son personnage tout le poids de ce siècle qui ne pardonne ni la folie, ni la passion. Et Kounen est encore plus percutant quand il retient l’ombre de Stravinsky, en un Mads Mikkelsen reclus dans ses déchirements, préservé par l’interdit, mais libéré par des impulsions autant créatrices que destructrices.
Du parterre à la scène, Kounen va et vient, virevolte et marie les saccades pianistiques aux pas résonnants des danseurs. La salle s’échauffe, la caméra brûle de tous ses objectifs et c’est d’une flamboyance extraordinaire. Les scènes de repas, plus paisibles, sont tout autant admirables. Kounen connaît la portée d’une image, sa puissance et son implication dans la mise en abîme d’un récit . C’est un très grand film .
LES BONUS
Making of
Il est lui aussi assez particulier, car avec les répétitions, et les scènes de tournage, il s’attarde surtout sur les discussions préliminaires entre le réalisateur et ses comédiens. On y voit beaucoup d’échanges sur la façon d’aborder tel personnage, telle scène. Clara Guelblum qui joue la fille de Stravinsky est assez drôle quand elle parle de la façon dont elle voit le film « et il y a des trucs que je n’ose pas dire, comme quand ils font l’amour derrière un arbre ».
Justement l’amour, le thème central de ce film est le sujet de discussions des différents protagonistes. « Selon moi, ce n’est pas faire l’amour, mais baiser dans un bois » remarque Mads Mikkelsen.
Jan Kounen s’interroge : « les scènes doivent-elles êtres érotiques, torrides, où est le bon équilibre, car ici tout est sensualité. Mais ce sera peut-être un film très chaste, je n’ai pas toutes les cartes en main ». Ce que confirme Anna Mouglalis : « pour moi il est plus important de ressentir ce désir que de montrer des scènes d’amour. Deux corps qui font “ bang, bang ” ça ne sert pas l’histoire, ça n’exprime pas grand-chose ».
Autant de réflexions qui se poursuivent pendant les répétitions, et aussi le tournage. Avec la cerise sur le gâteau : la façon dont Mads Mikkelsen joue du piano. Une manière bien à lui. C’est à découvrir dans cet excellent making of