Errant sans but dans les rayons d'une librairie (attitude aussi irresponsable que dangereuse pour mon compte en banque), je suis tombée en arrêt sur les rééditions par Pocket des différentes trilogies fondatrices de Katherine Kurtz (avec une fusion des trois tomes pour l'occasion). J'avoue qu'elle est restée une de mes auteurs favoris de Fantasy, un genre littéraire que j'ai toujours particulièrement affectionné. Et tant pis pour les mauvaises langues qui aiment à médire sur cette supposée sous-culture au sujet de laquelle elles ne savent qu'étaler leur ignorance en recyclant des préjugés caricaturaux qu'elles ne sont pas en mesure d'étayer sérieusement.
Enfin, comme je n'avais plus relu cette oeuvre depuis longtemps, je n'ai guère hésité à venir allourdir un peu plus les rayons déjà surchargés de ma bibliothèque (de toute façon, plus aucun livre ne peut matériellement y être casé).
L'occasion donc d'une brève review sur ce livre dont la relecture m'a rappelé combien je l'appréciais (La Trilogie des Rois, préquelle très aboutie qui doit pourtant, à mon sens, être lue après cette première trilogie, sera sans doute reviewée prochainement).
Quatrième de couverture :
Tout commence lors d'une partie de chasse, quand Brion Haldane, le roi de Gwynedd, meurt d'une crise cardiaque, provoquée par une puissante magicienne derynie. Kelson, encore adolescent, succède à son père. Alaric Morgan, l'un des rares Derynis de Gwynedd qui ose afficher ses origines et ses pouvoirs, sait comment transmettre à Kelson les pouvoirs magiques inhérents à la charge royale dans la dynastie des Haldanes. Kelson en aura grand besoin: révoltes localisées, complots de certains nobles, emprise croissante de la hiérarchie religieuse... Mais au Conseil de Régence, Jehana, la veuve de Brion veut faire condamner Morgan comme traître et hérétique, afin que son fils ne perde pas son âme en étant corrompu par la magie derynie... Situé dans un Moyen Age alternatif, le monde est l'enjeu d'une lutte entre les humains et les Derynis race d'apparence humaine aux pouvoirs psi innés. La trilogie des magiciens (Le réveil des magiciens, La chasse aux magiciens, Le triomphe des magiciens) ouvre le cycle des Derynis, l'une des œuvres les plus importantes de la fantasy contemporaine.
Avis :
Ces magiciens désignés dans le titre s'appellent les Derynis, petite partie minoritaire de la population, qui présente des capacités particulières. Le récit s'inscrit dans une épopée intéressante. Si le style et l'univers ne sont pas encore aussi assurés que dans les trilogies suivantes, il est difficile de ne pas se laisser happer par l'esprit qui souffle sur ce roman. Les intrigues de cours s'esquissent, la psychologie des personnages se creusent au fil des pages et des tomes. Il règne une atmosphère tendue. Les rebondissements ne manquent pas, mais l'auteur refuse de sacrifier la construction des intrigues et des protagonistes au nom de la simple action.
En effet, ce qui constitue l'atout indéniable de ces livres est la cohérence et la complexité de l'univers créé. A la différence de trop nombreux livres du même genre, l'auteur s'attache à dépeindre une société dans son ensemble. Elle s'attarde sur différents éléments, faits sociaux ou tensions dynastiques, qui confèrent une dimension de réalité à l'histoire. Les parallèles avec le monde moyen-âgeux (autour du XIIe-XIIIe siècle) sont flagrants, mais travaillés. S'esquisse déjà une constante dans ses ouvrages qui est l'importance du rôle de la religion, plus en tant qu'institution que simple croyance. L'auteur crée toute une organisation ecclésiastique complexe, reposant sur un système de croyances dogmatiques très abouti, mais dont l'élément conjoncturel est mis en avant, qui joue un rôle majeur dans l'histoire. Cet élément religieux (l'auteur s'inspire du catholicisme, dont elle arrange certains aspects, notamment une centralisation toute relative), construit avec un souci du détail admirable, permet justement de poser des bases plus profondes au récit. Pouvoir et contre-pouvoir s'influencent et se contrent au détour des chapitres, chacun cherchant à promouvoir ses intérêts ou ses vues.
Si une constante de ce que l'on appelle couramment la high fantasy réside dans une vision plutôt manichéenne de l'univers, le ton est cependant plus nuancé qu'un simple lutte du bien contre le mal. Cela est en grande partie dû à la multiplicité et la diversité des acteurs qui interviennnent. Chacun suivant un agenda spécifique, où ce sont avant tout les intérêts particuliers qui les motivent.
L'écriture est riche et vivante. Le dépaysement garanti. Les thématiques abordées permettent à l'auteur de ne pas s'enfermer dans un seul genre. L'évènement déclencheur et le fil rouge du livre est la transition dynastique avec l'accession au pouvoir de Kelson, et sa progressive prise en main du Royaume. Cependant, la vie des différents protagonistes, si elle tourne autour du pouvoir, se décline dans toutes ses dimensions, amitié, amour et trahison sont au rendez-vous.
Si la complexité de l'univers des Derynis n'est pas encore pleinement exploitée, notamment la géopolitique en dehors du Royaume de Gwynedd qui reste floue, et que beaucoup de questions demeurent sans réponse, l'ensemble est cependant convaincant.
Bilan : Un coup de coeur qui ne se dément pas. La Trilogie des Magiciens reste un vrai classique de high fantasy.
Si dans l'oeuvre de Katherine Kurtz, je reste sans doute plus marquée par la Trilogie des Rois, à mon sens plus approfondie, la Trilogie des Magiciens s'en démarque par un certain optimisme, un roman d'aventures moyen-âgeuses moins sombre que ses préquelles. Le premier tome marque une innocence que le récit perd, certes, peu à peu, mais qui n'est jamais totalement écartée. Il n'y a pas l'aspect tragique de la Trilogie des Rois.